|
|
Les maisons de luxe, au premier rang desquelles LVMH, ont peu à peu pris le relai des mécènes traditionnels d’un château de Versailles en constante rénovation. L’occasion de participer à la sauvegarde du patrimoine français, tout en permettant à leurs clients de bénéficier d’évènements exclusifs.
Comment financer de longs et coûteux travaux de rénovation quand son budget annuel de plus de 120 millions d’euros ne suffit plus ? Voici l’équation à laquelle doit, en permanence, répondre la direction du plus royal des monuments historiques français, le château de Versailles. Le temps des illustres mécènes que furent Louis Philippe, le comte de Castellane, la princesse Grace de Monaco ou encore, au lendemain de la Première Guerre mondiale, John D. Rockefeller, semble bel et bien révolu. Place, désormais, aux entreprises multinationales, qui de Renault à Vinci, en passant par Engie, trouvent à Versailles un chantier à la mesure de leur puissance financière et, surtout, un écrin à même de ravir leur clientèle triée sur le volet.
« Versailles = la France = le luxe »
Mais après la noblesse française, les industriels et financiers du siècle dernier, ce sont bien les marques de luxe qui s’imposent aujourd’hui comme les grands mécènes du château. Dior, Cartier, Chanel, Louis Vuitton, Hermès, Breguet et autres maisons de luxe ont ainsi contribué à hauteur de 19,38% du mécénat de l’établissement entre 2012 et 2018. Un investissement non dénué d’intérêt : depuis la loi sur le mécénat votée en 2003, 2% des dons financiers sont en effet rétrocédés aux donateurs sous forme de contrepartie, ce qui permet au chateau de leur louer, le temps des travaux, certaines de ses salles les plus prestigieuses : un dîner dans la galerie des Batailles revient ainsi à 60 000 euros, et une réception privée dans la galerie des Cotelle est envisageable, moyennant un ticket d’entrée à 50 000 euros.
Pour des marques de luxe rivalisant d’attentions particulières et d’évènements prestigieux à l’adresse de leurs meilleurs clients, le château fait figure de décor d’exception, tout en incarnant, auprès de la jet set internationale, le summum de l’art de vivre à la française. « L’équation est simple, confie dans les pages du Monde Olivier Gabet, directeur du Musée des arts décoratifs : Versailles = la France = le luxe. Avec Louis XIV, Marie-Antoinette et Napoléon, Versailles a le tiercé gagnant des personnalités historiques internationalement connues. C’est le site le plus magique et le plus copié, qui coche toutes les cases : le symbolique, l’historique, l’esthétique ».
LVMH, le plus fidèle des mécènes
Parmi l’ensemble des mécènes du château, le numéro un mondial du luxe, LVMH, est sans doute l’un des plus importants et des plus fidèles. « Dès 1993, LVMH a entrepris la restauration et l’équipement des sept salles d’Afrique, de Crimée et d’Italie, soit 1 800 mètres carrés de l’aile Nord, réalisant ainsi une opération spectaculaire de mécénat qui ne connaît d’équivalent, plus de dix ans plus tard, qu’avec le mécénat de Vinci pour la galerie des Glaces. Dans ces espaces réhabilités, fut organisée à l’intention de Bernard Arnault la toute première exposition “Versailles et les Tables royales en Europe”, pour fêter les 250 ans de Moët & Chandon », rappelle dans les colonnes de Valeurs Actuelles Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault pour le mécénat de LVMH, selon qui la mission du groupe est aussi « d’établir des passerelles entre l’art du passé et la création contemporaine ».
En 2009, Moët Hennessy, propriété de LVMH, a ainsi participé à l’exposition « Louis XIV, l’homme et le roi », en hommage au souverain qui fit de Versailles le symbole du pouvoir et du raffinement français. « La maison de champagne Moët & Chandon possède dans la Marne l’abbaye d’Hautvillers où vécut son cellérier dom Pierre Pérignon, figure historique de la Champagne dont les vins d’excellence furent délivrés à la table du roi pendant le règne de Louis XIV », expliquait ainsi Christophe Navarre, président de Moët Hennessy, maison qui s’est également engagée dans la restauration d’une œuvre de François Girardon, L’Enlèvement de Proserpine par Pluton, désormais exposée dans la célèbre Orangerie.
Versailles, « un lieu Dior par excellence »
Le château de Versailles est, enfin, inextricablement lié à la maison Christian Dior, l’un des fleurons du groupe LVMH. Dès 2013, la présidente de l’établissement, Catherine Pégard, a personnellement demandé l’aide de Bernard Arnault et de Sidney Toledano, l’ancien PDG de Dior, pour contribuer à la rénovation du Hameau de la Reine, ce paradis bucolique créé de toute pièce pour Marie-Antoinette entre 1783 et 1787. La marque, dont le fondateur vouait un culte au style néo-Louis XIV et qui, en 2007, a fêté ses 60 ans dans l’Orangerie, a investi quelque 5,5 millions d’euros pour redonner à ce village d’opérette son lustre d’antan. Et permettre au public de visiter, pour la première fois depuis deux siècles, cette reproduction grandeur nature d’un petit village normand. Plus récemment, Christian Dior a de nouveau mis la main à la poche pour réhabiliter la Maison de la Reine, cette chaumière installée au centre du Hameau, qui servait de lieu de réception à la souveraine.
C’est aussi tout naturellement que Christian Dior met à profit le château et ses jardins comme cadres pour ses campagnes publicitaires, comme la série « Secret Garden », tournée depuis 2012 au domaine, ou le célèbre spot mettant en scène l’actrice américaine Charlize Theron dans la Galerie des Glaces. La maison s’affiche aussi sur les bâches dissimulant les chantiers, signées par l’artiste Pierre Delavie, selon qui « en inscrivant une silhouette Dior entre deux arcades du bosquet des Colonnades, on dévoile une harmonie naturelle. Comme si notre inconscient collectif s’attendait à entendre le bruissement des robes dans les allées »… Décidément, « le château de Versailles, icône du luxe et de l’art de vivre à la française, est un lieu Dior par excellence ».