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Jeune entrant dans le luxe le streetwear révolutionne déjà les codes. Cependant si l’enthousiasme autour de ce mariage surprenant ne semble pas s’essouffler, on peut s’interroger sur le futur de cette idylle.
Plus de doute possible, streetwear rime désormais avec luxe. Balenciaga, Louis Vuitton, Chanel, il faut le croire pour le voir, mais il semblerait que le streetwear ait envoûté les grandes maisons.
Né outre-Atlantique dans les quartiers populaires du New-York des années 80, le style sera d’abord associé à la culture hip-hop. Largement porté par la musique rap qui lui conférera sa popularité mondiale, ce style mêlant vêtements de sport, habits de travail, et influence skate sera d’abord l’étendard d’une contre-culture et d’une singularisation, face aux standards établis et institués. Un temps bien révolu aujourd’hui car le streetwear monte en gamme. Un coup d’œil aux pages modes des magazines et aux podiums des fashion weeks suffit pour se rendre compte du phénomène. Longtemps synonyme de rébellion de ceux que la société marginalise, ce style natif de la rue, indissociable du mouvement hip-hop, s’offre aujourd’hui une place de choix dans la fashion sphère.
Une “luxurisation” du genre permise par la starification des rappeurs et sportifs, devenus de véritables icônes de style et symboles de la rencontre entre luxe, streetwear et sportwear. Prescripteurs de ce mélange des genres, ces égéries modernes ouvrent la porte à de nouvelles pistes créatives dans un milieu de la mode. Le résultat se voit et s’expose, la tendance change et s’inverse. La rue devient l’antichambre des défilés, et la muse des créateurs des griffes de luxe.
La combinaison du streetwear et du très haut de gamme plaît. Les marques, bien conscientes du potentiel non négligeable de ce nouveau marché, multiplient les collaborations leur permettant d’exploiter le filon, telles Kanye West et Adidas, Louis Vuitton et Supreme, ou plus récemment Travis Scott pour Saint-Laurent Paris.
La nomination de Virgil Abloh, créateur de la marque urbaine de luxe OffWhite, à la tête de Louis Vuitton homme vient confirmer ce virage de l’industrie, et témoigne d’un profond renouveau tant d’un point de vue créatif que structurel.Le streetwear et ses protagonistes séduisent les grandes maisons qui voient là l’occasion de revisiter leur image, et surtout une véritable porte d’entrée vers une jeune clientèle croissante, charmée par l’idée d’un luxe cool, casual, innovant.
L’alliance est-elle faite pour durer ?
C’est sans doute la question que se posent tous les observateurs et acteurs de l’industrie.Difficile de prévenir l’avenir du secteur mais certains indicateurs pointent vert et permettent néanmoins de risquer à quelques commentaires et spéculations.
Démarrée il y a environ 4 ans, l’union fait mentir l’adage selon lequel l’amour dure trois ans. L’engouement constant autour des sneakers, tant du côté des marques que des consommateurs constitue déjà le révélateur d’une vraie évolution du marché. Plus qu’une simple tendance, c’est à présent une catégorie, comme l’affirmait déjà Bruce Pask, directeur du département homme chez Neiman Marcus. Les sneakers connaissent en effet, une croissance sans précédent sur le marché de la mode et du luxe, atteignant pour les modèles haut de gamme, des prix de 300 euros à plus de 8000 euros pour des éditions limitées. L’année dernière, les ventes représentaient 47% du marché (9 milliards d’euros selon la Fédération Française de la Chaussure).
A l’image de la basket, on remarque que le style décontracté qu’elle suggère et entraîne, semble s’installer confortablement dans les dernières collections. La boîte de Pandore est ouverte. Culture streetwear et esprit casual poursuivent leur percée sur le marché du luxe et intègrent progressivement les grandes marques qui voient en ces influences, un vivier de création inépuisable. Un phénomène également amplifié par une jeune génération de directeurs artistiques bercés par la culture hip-hop, à l’instar de Riccardo Tisci, Alexander Wang ou Virgil Abloh.
Mais, s’il s’agit résolument d’une stratégie payante pour l’industrie, cette union apparaît surtout comme une véritable opportunité pour le luxe, devenu plus innovant et plus attractif que jamais aux yeux des millenials et acheteurs de la génération Z. La luxurisation du streetwear dynamise et bouleverse le secteur, permettant à certaines marques de revenir sur le devant de la scène, comme par exemple la marque Fila redevenue en vogue. Ou encore Supreme dont les articles s’arrachent par le biais d’un système de liste d’attente évoquant le fonctionnement d’une marque de luxe. Elle offre de surcroît la possibilité aux jeunes marques de streewear et casual wear de faire grimper leur prix, se positionnant d’emblée sur un marché plus premium. Cette montée en gamme s’observe également chez mastodontes du sportswear, qui afin de rester compétitifs face aux marques de luxe, adoptent tous les codes propres à ces dernières : rareté grâce aux édition limitées, distribution sélective, et des prix plus élevés.
Lucrative à la fois les pour les grandes maisons et les équipementiers sportifs, la luxurisation du streetwear semble avoir de beaux jours devant elle.