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Comme toute l’industrie du luxe, le groupe français LVMH a accusé une forte baisse de ses ventes au premier semestre 2020. Mais contrairement à plusieurs de ses concurrents, le leader mondial a su limiter les pertes sans hypothéquer son avenir. Une résilience qui lui permet de voir l’avenir avec sérénité.
Il y a des signes, et des habitudes, qui ne trompent pas. Quand une entreprise est la première à rendre public ses résultats financiers pour le semestre écoulé, c’est qu’elle est plutôt en bonne posture. Ou, tout du moins, pas aussi mauvaise que l’on pourrait l’imaginer. Car avec 27 % de chiffre d’affaires en moins sur le premier semestre 2020, LVMH réalise certes son plus mauvais début d’année depuis sa création par Bernard Arnault en 1989. Mais dans le contexte économique du Covid-19, avec des pertes anticipées à 35 % pour le secteur du luxe sur l’ensemble de l’année, ce net recul ne semble pas insurmontable.
Mieux : contrairement à L-Brands, maison-mère de Victoria’s Secret qui a perdu près de 50 % de revenus au premier trimestre et prévoit de fermer 250 boutiques en Amérique du Nord, le groupe tricolore tient le choc et préserve son activité. Avec le confinement, la plupart de ses points de ventes dans le monde ont été contraints de fermer. Dans les aéroports en particulier, les boutiques de « duty free » de sa filiale DFS souffrent encore du fort ralentissement des vols internationaux. Mais les marques emblématiques telles que Louis Vuitton, Dior, Bulgari, Moët et Hennessy ont très bien résisté à la crise, et enregistrent même un rebond important en juin…
C’est notamment le cas des cognacs, qui ont contenu la baisse des ventes à seulement 15 % depuis début 2020. Selon LVMH, la hausse de la demande américaine au mois de juin aurait même été difficile à satisfaire. Même résilience du côté des produits Christian Dior et Louis Vuitton, dont les transactions au deuxième trimestre auraient décollé de plus de 65 % en Chine suite à la réouverture des magasins.
En juin, Dior a affiché des ventes « en légère progression » aux États-Unis et au Japon, pendant que celles de Vuitton se seraient stabilisées dans les deux pays. À la fin de l’année, le premier pourrait ainsi conserver une croissance globale à deux chiffres, tandis que la rentabilité du second devrait se maintenir à 40 %. Autant de « signes vigoureux de reprise de l’activité », dixit Bernard Arnault, que Jean-Jacques Guiony, directeur financier du groupe, apprécie à leur juste valeur après avoir craint le pire.
« Nous n’avons jamais vu un alignement aussi négatif des planètes », a-t-il reconnu lors de la conférence de présentation des résultats du premier semestre. « Le virus a fait souffrir LVMH, [mais] les résultats reflètent la situation dans laquelle nous sommes, avec un semestre où notre activité a été particulièrement ralentie pendant trois mois. Les grandes marques nous ont aidés à résister. [Elles] nous permettent d’afficher un résultat largement positif. Cela valide la structure du groupe », a-t-il ajouté.
Une confiance inébranlable dans la sortie de crise
« Grâce à la puissance de ses marques et à la réactivité de son organisation, nous sommes convaincus que LVMH est en excellente position pour profiter de la reprise qui, nous l’espérons, se confirmera au second semestre », a pour sa part commenté Bernard Arnault, le PDG du groupe. Pour résister à l’effondrement des ventes, l’entreprise s’est adaptée de plusieurs manières.
Tout d’abord en baissant ses coûts de fonctionnement de 30 % au deuxième trimestre, sur les bonus, dépenses marketing et loyers. Ensuite, en ralentissant les investissements, qui ont baissé de 20 % entre début avril et fin juin, avec plusieurs reports de projets. Enfin, en gelant les embauches, sans toutefois procéder à des suppressions de postes, contrairement à d’autres grandes maisons du luxe comme Chanel. « Il n’est pas question de se séparer de personnes que nous aurions du mal à remplacer dans six mois », justifie Jean-Jacques Guiony.’
À l’avenir, le directeur financier entend continuer à s’adapter au changement profond des comportements dans le secteur, notamment en développant les parts de marché en Chine et sur internet. « La tendance, c’est que les Asiatiques achètent en Asie, les Américains aux États-Unis et les Européens en Europe, affirme-t-il. Il faut cultiver son jardin, c’est vrai depuis Voltaire. En Europe, la clientèle extra-européenne a largement disparu, mais les ventes auprès de la clientèle locale ont augmenté significativement sur le semestre en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. […] Nous n’ouvrirons pas forcément de nouvelles boutiques en Chine continentale, mais nous sommes présents dans les 25 villes les plus importantes, et cela est suffisant, même s’il y a de nombreuses autres villes de plus d’un million d’habitants. Notre priorité est d’abord d’utiliser les sites internet de nos marques. »
Preuve de sa confiance dans la sortie de crise, LVMH a confirmé le rachat du joaillier américain Tiffany & Co. dans les conditions prévues avant la pandémie. L’entreprise a également fait don, via ses différentes maisons, de plusieurs dizaines de millions d’euros à la Fondation des Hôpitaux de France, mais aussi de milliers de masques, de blouses et de crèmes pour les mains.