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Dans le paysage de la mode actuel, où l’innovation et la durabilité se mêlent à la créativité, certaines marques se distinguent par leur capacité à raconter des histoires uniques, tout en incarnant des valeurs contemporaines. Teran Conde Paris, une marque fondée par Esperanza Teran Conde, est l’exemple même de cette fusion entre héritage personnel et engagement éco-responsable.
Aïssata
Haïdara
Les Carnets du Luxe : Pourquoi avez-vous choisi de baptiser votre marque Teran Conde Paris ?
Esperanza Teran Conde : Teran Conde Paris est une marque portant une histoire personnelle liée aux traditions. Le nom de la marque est dérivé de mes noms de famille, combinant les deux noms de mes parents, comme le veut la tradition en Espagne. « Paris » indique que tous nos produits sont conçus et fabriqués dans le 9e arrondissement de Paris. Notre marque se veut positive, colorée et accessible à tous.
LCDL : Quel est votre parcours dans le domaine de la mode, comment en êtes-vous arrivée à créer votre propre marque ?
Esperanza : L’histoire de ma marque trouve ses racines dans mon parcours. À l’âge de 18 ans, j’ai quitté l’Espagne pour m’installer à Paris, où je réside depuis onze ans. J’ai suivi des études en mode, plus précisément en stylisme et modélisme, car la confection et la production m’ont toujours passionnée. Mon lien avec la couture a commencé pendant mon adolescence, lorsque mes parents travaillaient pendant les vacances d’été. J’ai alors eu l’opportunité d’apprendre les bases de la couture auprès d’une couturière locale. Ainsi, de quatorze à dix-huit ans, un mois estival chaque année, je travaillais avec elle, aidant avec les clients, apprenant le sur-mesure, les retouches, etc.
Ensuite, j’ai intégré l’école Mod’ART à Madrid. Après ma première année, on m’a offert une bourse pour poursuivre mes études à Paris pendant trois ans, en obtenant un Master en production de luxe. Une incroyable opportunité ! Je ne parlais pas un mot de français à l’époque. J’ai appris la langue en autodidacte pendant mon séjour à Paris. Suite à l’obtention de mon diplôme j’ai travaillé pour diverses marques. À l’âge de 21 ans, je suis devenue styliste en free-lance. Mon expérience m’a permis de travailler sur des projets de plus en plus importants, notamment dans le stylisme d’image et le tailoring, grâce au bouche-à-oreille valorisant mon travail. Actuellement, je suis encore styliste free-lance tout en développant activement en parallèle Teran Conde Paris.
@ Aïssata Haïdara
LCDL : Parlez-nous de la transition vers la création de Teran Conde Paris.
Esperanza : L’idée de créer ma propre marque est née pendant le confinement. J’ai toujours créé et réalisé des commandes pour mes amis, et le besoin de créativité s’est fait ressentir pendant cette période. En 2020, j’ai suivi une formation en économie circulaire dans le but de créer une marque durable et éco-responsable. J’ai consacré toute l’année 2020 à développer ce projet, en mettant l’accent sur la création d’une marque avec un sens, des objectifs et des valeurs clairs. J’ai également mené seule une étude de marché approfondie pendant un an pour établir solidement mon projet de manière durable.
LCDL : Quelle philosophie avez-vous adoptée pour ce projet, et comment avez-vous établi le lien entre histoire et création ?
Esperanza : Teran Conde Paris se caractérise par son esthétique plutôt féminine, durable et polyvalente. Nos pièces sont conçues pour différentes occasions, avec de nombreux vêtements réversibles. Nous combinons des éléments sobres d’un côté et des éléments colorés de l’autre. À travers des pop-up stores et des ventes, j’ai réalisé qu’il était essentiel de donner à ma marque une identité forte, inspirée de mes origines espagnoles. Pour cela, j’ai entrepris un « mini road trip » dans la région de Valence, en Espagne, où j’ai collaboré avec des artisans locaux. J’ai découvert des tissus magnifiques qui se prêtaient parfaitement à la réversibilité.
Un élément clé de ma marque est l’utilisation de tissus issus de la région de Valence, qui sont également utilisés lors du festival annuel Las Fallas. Las Fallas sont un événement historique à Valence, où de grands monuments sont construits pendant un an, pour ensuite être brûlés symbolisant la destruction des éléments indésirables du passé. Les locaux portent des costumes traditionnels, c’est là que j’ai puisé l’inspiration pour mes créations contemporaines, en utilisant ces tissus authentiques d’une manière nouvelle pour perpétuer l’histoire de mes ancêtres.
Je tiens également à souligner le caractère artisanal de ma marque. Des machines anciennes comportant douze mille fils de soie, fabriquent ces brocards. Malheureusement, ces compétences artisanales risquent de disparaître si elles ne sont pas modernisées, et c’est pourquoi je me suis attachée à travailler avec ces tissus et à préserver ce savoir-faire traditionnel. Chaque tissu que nous utilisons détient une histoire unique et comporte des ornements de fleurs différents, créant ainsi une continuité significative.
@ Aïssata Haïdara
LCDL : Comment définiriez-vous votre approche de la mode et vos collections ?
Esperanza : Notre approche de la mode diffère de la norme saisonnière. Nous créons des collections capsules et travaillons en fonction des stocks disponibles. Nous privilégions les tissus de fin de stock de haute couture ajoutés aux tissus traditionnels et utilisons exclusivement des matières naturelles. Même les chutes, et les restes de fils peuvent être utilisés. Notre marque est éco-responsable et propose des pièces authentiques et colorées, adaptées également à une clientèle pour les occasions du soir. Notre gamme de prix varie de 100 à 450 euros. Nous avons également une gamme couture avec des caftans en 100 % soie, ornés de broderies, aux alentours de 1500 euros. Enfin, les accessoires iconiques de la marque, comme les sacs, sont proposés à 70 euros.
LCDL : Comment gérez-vous les aspects économiques et les défis liés au développement de votre marque en tant que jeune créatrice ?
Esperanza : En tant que jeune créatrice, je suis consciente des défis auxquels nous sommes confrontés. L’expansion est un processus lent et exigeant sur le plan financier. Les préférences des clients pour certaines pièces peuvent être imprévisibles, ce qui rend la gestion de la demande un peu aléatoire. J’ai également organisé des défilés et collaboré avec d’autres créateurs pour créer des événements, mais cela nécessite beaucoup d’investissement personnel pour établir un réseau et se faire connaître. Je pense qu’un peu plus de soutien et de reconnaissance envers les jeunes créateurs seraient extrêmement bénéfiques.
Pour ce qui est de la gestion de l’entreprise, j’ai appris qu’il est essentiel de s’entourer de personnes compétentes. J’ai collaboré avec des freelances pour des projets plus importants, notamment pour l’organisation de défilés. J’ai également accueilli des stagiaires à l’occasion. Il est important de reconnaître que nous ne pouvons pas tout faire seuls et qu’il est judicieux de déléguer certaines tâches à des spécialistes, comme la communication et les réseaux sociaux.
LCDL : Avez-vous des conseils pour les jeunes créateurs qui aspirent à se lancer dans l’industrie de la mode ?
Esperanza : Mon conseil principal serait de s’investir corps et âme dans son travail tout en restant authentique. L’éco-responsabilité est également essentielle, ainsi que la recherche de ce qui rend votre marque unique, votre valeur ajoutée. Se tourner vers la location de vêtements pourrait également être une stratégie intéressante compte tenu de la tendance croissante vers une mode plus durable.
@ Aïssata Haïdara
LCDL : Comment définiriez-vous le luxe ?
Esperanza : Pour moi, le luxe consiste à pouvoir s’habiller avec des vêtements de qualité, à privilégier l’éthique et les matériaux naturels plutôt que la fast fashion. C’est acheter des pièces pour leur valeur intrinsèque, en favorisant la durabilité et la qualité plutôt que la quantité, des pièces qui traverseront les générations.
LCDL : Enfin, quels sont vos projets futurs et les nouveautés à venir pour Teran Conde Paris ?
Esperanza : Nous préparons une nouvelle collection capsule, qui proposera des vêtements polyvalents, adaptés aux femmes actives ainsi qu’à celles qui souhaitent briller en soirée. De plus, je serai représentée par une nouvelle plateforme de location de vêtements à Madrid : Ecodicta. Actuellement, on peut nous trouver sur notre site web ainsi que sur le site de location français Une robe Un soir.