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Présentée au sein la Maison Guerlain dans le cadre d’un partenariat avec Paris+ par Art Basel, l’exposition d’art contemporain « Les Fleurs du Mal » a ouvert ses portes du 18 octobre au 13 novembre 2023.
Ophélie
Depraetere
La Maison Guerlain : un mécène historique de l’art
Présentée à l’occasion de la 16e année consécutive des expositions annuelles d’art contemporain, l’exposition des « Fleurs du Mal » de la maison Guerlain était une véritable ode à l’œuvre éponyme de Charles Beaudelaire et aux 170 ans du célèbre « Flacon Abeilles » créé spécialement pour l’impératrice Eugénie. Censuré dès sa publication en 1857, le recueil de poèmes — aujourd’hui considéré comme un classique de la littérature française — avait été à l’époque jugé trop obscène et immoral et avait conduit son auteur jusqu’au procès ; afin d’éviter la faillite, le poète avait même dû solliciter l’aide de l’impératrice Eugénie.
Depuis son fondement en 1828, la Maison Guerlain — alors Parfumeur officiel de la Cour à la suite de la création du « Flacon Abeilles » — n’a cessé de multiplier ses collaborations avec les artistes. Confiée au consultant en art et commissaire d’exposition Hervé Mikaeloff, cette nouvelle exposition réunissait 26 artistes internationaux tels que Robert Mapplethorpe, Oda Jaune, Marcella Barceló ou encore Anselm Kiefer, et plusieurs dizaines d’œuvres aux médiums multiples. Comme pour les éditions précédentes, la Maison Guerlain a perpétué sa volonté d’élever la nature au plus haut rang de l’art en mettant en avant des artistes avant-gardistes. Si une dizaine d’œuvres ont été produites à l’occasion de l’exposition, toutes traitaient des thématiques abordées auparavant par Beaudelaire dans Les Fleurs du Mal telles que le spleen, l’idéal, la beauté, la laideur, ou encore la vie et la mort, à travers un éminent symbole de vanité : la fleur.
Expérience multisensorielle et oxymores baudelairiens
Exposées sur les trois niveaux de la Maison Guerlain, les œuvres des « Fleurs du Mal » cohabitaient et dialoguaient avec les produits de l’entreprise Guerlain. Le visiteur déambulait dans les différents espaces dédiés à l’exposition et était invité à utiliser l’ensemble de ses sens. Le corpus d’œuvres, éclectique et étonnant, était constitué de peintures, de céramiques, de photographies, de sculptures, de vidéos ou encore d’installations. Les différents motifs botaniques invitaient le spectateur à un voyage intérieur. À travers des compositions personnelles réunies autour de thématiques universelles, plusieurs artistes avaient figé, capturé et cristallisé l’instant en s’appuyant parfois sur des sources littéraires. Certaines des œuvres traitaient de la vie, de la mort et parfois du cosmos comme Extases féminines — Marguerite Porete (2012) de Anselm Kiefer, de la beauté et de l’intime comme Flora Erecta (2023) et Rose Labia (2023) de Roni Landa ou encore de l’érotisme comme les Fleurs (2015) de Oda Jaune. Comme le soulignait le commissaire de l’exposition Hervé Mikaeloff, plusieurs artistes exploraient des sujets d’actualité tels que « le droit à l’avortement » ou encore « la remise en question des rôles des genres dans la société » comme Lise Stoufflet dans Les Fleurs du mâle (2023). Dans cette œuvre en trompe-l’œil, un homme tenant contre son cœur un bouquet de fleurs fanées se détachait d’un fond bleu. À l’image des portraits liturgiques, l’homme était représenté dans une pose solennelle et mélancolique. En coupant le visage du personnage représenté de trois quarts, l’artiste lui faisait perdre son identité. Caractéristique de la production de Lise Stoufflet, le mouvement de la touche laissait place à un sentiment de volupté et de rêverie…
Organisée lors d’un événement d’art contemporain majeur, cette exposition consolidait la stratégie marketing liée à l’art de la Maison Guerlain. Si beaucoup de marques de parfums se positionnent sur ce secteur, cette exposition permettait de saisir la spécificité du positionnement de la Maison Guerlain. En effet, en s’associant à des artistes vivants et internationaux, la marque se montre moderne et ouverte sur le monde. En promouvant une scène artistique multipliant les références littéraires et préoccupée par les combats sociétaux d’aujourd’hui, elle place son image sous le double sceau de la culture et de l’engagement. À l’image de la Maison Guerlain, l’exposition des « Fleurs du Mal » reflétait, par ailleurs, l’importance des engagements de la Maison vis-à-vis de la préservation environnementale.
Image d’ouverture:
Francesco Clemente, Winter Flowers XLII, 2023, pigments sur toile, 182,9 cm x 182,9 cm. (détail) © Ophélie Depraetere
Bibliographie :
Benaïm, Laurence, Une Icône Impériale, éd. Assouline, 2023, 292 p.