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Alors que LVMH annonce en grande pompe l’arrivée du styliste et photographe star chez Céline, privée de son emblématique directrice artistique Phoebe Philo, retour en deux volets sur l’itinéraire de l’enfant chéri de la mode post-an 2000.
Le suspense aura été de courte durée. A peine quelques semaines après l’annonce de son départ de la maison Céline par Phoebe Philo, que l’iconique créatrice a quittée au terme de dix ans de bons et loyaux services – salués comme « un chapitre clé de l’histoire de Céline » par Bernard Arnault –, le groupe LVMH, propriétaire de la marque, a annoncé le nom de son successeur. Et non des moindres, puisqu’il s’agit de Hedi Slimane.
« L’un des créateurs les plus talentueux de notre époque »
Le styliste français rejoindra la maison de couture au cours du mois de février 2018. Le recrutement de Hedi Slimane, designer visionnaire et adulé, qui a notamment révolutionné les codes du vestiaire masculin au début des années 2000, représente une véritable « prise de guerre » pour le groupe LVMH.
Son président, Bernard Arnault, ne s’y est pas trompé. « Je suis particulièrement heureux que Hedi retrouve le groupe LVMH et prenne les rênes de la maison Céline, a-t-il déclaré dans un communiqué, publié le dimanche 21 janvier. Il est l’un des créateurs les plus talentueux de notre époque », détaille celui qui dit « l’apprécier et l’admirer depuis (qu’il) a travaillé avec lui chez Dior Homme ».
L’enjeu est de taille, et le défi à la mesure du talent de Hedi Slimane. Phoebe Philo avait en effet porté la griffe française, confidentielle quand elle en a reçu la direction artistique, au plus haut niveau du luxe international. Transcendant la garde-robe de la femme moderne, érigeant le minimalisme en profession de foi, la créatrice britannique a imposé Céline comme une référence en matière de coupes et lignes épurées. Sans négliger la maroquinerie, véritable locomotive commerciale de la marque.
Aux commandes de Céline, Hedi Slimane aura carte blanche pour lancer la collection masculine – une première pour la griffe, créée en 1946 par Céline Vipiana et rachetée en 1987 par Bernard Arnault. Sans s’éloigner des codes de la maison, celui qui a toujours respecté le travail de Phoebe Philo devra, bien entendu, revisiter l’esthétique radicale de sa devancière, en l’adaptant aux demandes des fameux « Millennials », ces jeunes qui ne jurent plus que par Instagram. Déjà à l’origine du légendaire Dior Homme en 2005, le créateur aura également la charge de renouveler la gamme de parfums de sa nouvelle maison.
« Je suis très heureux de retrouver Bernard Arnault et de commencer ce projet holistique pour la maison Céline, a, quant à lui, déclaré le principal intéressé. Je me réjouis de revenir dans l’univers de la mode et des ateliers de couture ». Un univers que Hedi Slimane a quitté à plusieurs reprises, opérant de constants allers-retours entre les podiums et sa passion pour la photographie.
D’Yves Saint Laurent à Saint Laurent Paris
Né à Paris en 1968, d’un comptable tunisien et d’une couturière italienne, Hedi Slimane se passionne très jeune pour la photographie. De 1992 à 1995, il assiste Jean-Jacques Picart, consultant pour les marques de luxe, qui l’introduit auprès de Pierre Bergé. Ce dernier le hisse rapidement au poste de directeur des collections, puis de directeur artistique, chez Yves Saint Laurent.
Mais c’est bien à partir de septembre 2000, à la tête de création chez Dior Homme, que le jeune homme prend son envol. Il réinvente de fond en comble l’identité de la marque, imposant alors une nouvelle silhouette masculine. Jeans slim ou skinny, vestes étriquées, cravates fines… Hedi Slimane sublime et popularise le style rock, rapidement adopté par la rue.
Et par un Karl Lagerfeld qui ne tarit pas d’éloges sur son jeune protégé : « je l’ai aimé instantanément, sans le connaître », déclare ainsi le styliste en chef de Chanel à V Magazine, au printemps 2016. Lorsque le Français lance la mode des pantalons affutés, Karl Lagerfeld confessera même s’être mis au régime et avoir « perdu 100 kg pour porter les costumes de Hedi Slimane ». Une consécration…de poids.
Parallèlement à son travail de styliste pour Dior Homme, qui lui vaudra d’être le premier dessinateur de mode masculine à recevoir, en avril 2002, le prestigieux prix International designer du Conseil des créateurs de mode américains – des mains de David Bowie, qu’il habille pour ses tournées –, Hedi Slimane n’abandonne pas son amour pour la photographie.
A Londres, où après sa période berlinoise il passe le plus clair de son temps, il suit la nouvelle scène rock britannique et tire le portrait de groupes émergents, comme Franz Ferdinand ou The Libertines. Le jeune chanteur, encore méconnu, qu’est Pete Doherty, sera d’ailleurs au centre du recueil de photographies intitulé London, Birth of a Cult, publié chez Steidl en 2005.
En mai 2006, Hedi Slimane lance sur internet son Diary, précurseur des blogs photographiques en ligne tels que Tumblr. Le site, épuré, faisant la part belle au noir et blanc, devient une référence en la matière. On y retrouve l’attirance de Slimane pour les silhouettes longilignes, l’esthétique rock et une certaine jeunesse occidentale cherchant à s’émanciper.
En juillet 2007, Hedi Slimane ne renouvelle pas le contrat qui le lie à Dior Homme. Il consacre dès lors toute son énergie et sa créativité à la photographie. Un nouveau départ sans regrets, pour le gamin du XIXe arrondissement de Paris, qui affirmera, plus tard, trouver « formidable l’idée d’être démodé, ça veut dire que vous avez participé à votre époque ». Il organise plusieurs expositions de ses travaux, en Europe ou encore, en 2011, au musée d’art contemporain de Los Angeles.
A partir de 2010, Hedi Slimane prend ses quartiers dans la capitale économique et artistique californienne. Il consacre son temps à un cycle californien et publie, fin 2011, une Anthology of a Decade, véritable somme de ses années de photographie, déclinée en quatre volumes : Paris, Berlin, Londres, Los Angeles. Autant de villes icônes, de villes repères.
Mais l’homme, qui a fait de la discrétion sa marque de fabrique, ne cesse de surprendre. Au début de l’année 2012, le voici de retour aux rênes d’Yves Saint Laurent, en remplacement de l’italien Stefano Pilati. Dès son arrivée, il impose sa patte et renomme la marque Saint Laurent Paris, en hommage à Saint Laurent Rive Gauche, la première boutique ouverte à Paris par le couturier éponyme. Le début d’une nouvelle aventure américaine, d’un nouveau cycle inédit, pour ce véritable phénix de la mode qu’est Hedi Slimane.