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A l’image de la société et de clients de plus en plus concernés par les questions d’éthique et de développement durable, les pratiques du secteur du luxe évoluent. En cette rentrée et avant les Fashion Week des grandes capitales, la question du bien-être animal s’invite plus que jamais sur les podiums. Second volet de notre enquête sur un secteur en plein aggiornamento.
Une petite révolution dans le monde de la mode. Le 6 septembre dernier, la griffe britannique Burberry a annoncé renoncer à brûler ses invendus et à recourir à la vraie fourrure. La célèbre marque au tartan était dans le viseur de ses actionnaires et de l’opinion publique après avoir détruit, en 2017, pour 30 millions d’euros d’invendus. Une pratique encore largement répandue dans le secteur du textile, que Burberry avait, dans un premier temps, justifiée en mettant en avant la protection de sa marque.
En pleine « refondation stratégique », l’entreprise a donc franchi une nouvelle étape pour tenter de reconquérir des parts de marché et de rassurer les investisseurs, en bannissant l’utilisation de véritable fourrure à partir de la prochaine collection. « Etre un acteur du luxe moderne signifie être responsable sur un plan social et environnemental, a expliqué à l’occasion de cette annonce Marco Gobbetti, le patron de Burberry. Cette croyance est centrale pour nous (…) et très importante pour notre réussite sur le long terme ».
Une vague de fond initiée par Stella McCartney, l’ambassadrice de la mode vegan et « cruelty-free »
Burberry n’est que la dernière marque en date à avoir franchi le cap du « no-fur ». Avant elle, de nombreuses maisons de luxe ont décidé d’abandonner la fourrure animale dans leurs collections. C’est le cas de la marque italienne Versace qui, après de longues années de refus, s’est décidée elle aussi à répondre à ces aspirations sociétales de plus en plus fortes. « La fourrure ? C’est fini pour moi. Je ne veux pas devoir tuer des animaux pour faire de la mode. Ce n’est pas correct », a récemment déclaré au magazine britannique The Economist la créatrice Donatella Versace.
Giorgio Armani, depuis 2016, Ralf Lauren (2006), Tommy Hilfiger (2007), Michael Koors, Calvin Klein, qui ne recourt plus à la fourrure depuis 1994, ou encore la créatrice Vivienne Westwood, qui lutte contre le phénomène de la « fast fashion » en promouvant son slogan « Buy less, choose well, make it last », ont eux aussi rejoint les maisons qui bannissent la fourrure. Et, en octobre 2017, c’est la marque italienne Gucci qui a annoncé renoncer aux précieuses fourrures, celles restant en stock étant vendues aux enchères au profit d’organisations de défense des droits des animaux. Un geste qui « change la donne », selon la présidente d’une de ces ONG, et qui « aura un énorme effet d’entraînement dans le monde de la mode ».
La véritable pionnière d’une mode respectueuse des droits des animaux reste cependant, et sans l’ombre d’un doute, la créatrice britannique Stella McCartney. Celle qui a quitté le groupe Kering en mars dernier en lui rachetant l’intégralité de ses parts a, depuis ses débuts dans les années 2000, fait de la non-utilisation de produits d’origine animale son mantra : aucun cuir, fourrure, plumes et peaux n’entrent dans la conception de ses collections. Un pari risqué durant les premières années, mais qui a fini par s’imposer auprès des fashionista du monde entier.
« Oui, au début de ma carrière, on s’est beaucoup moqué de moi à cause de ça, confirme l’intéressée au journal Le Monde. J’ai toujours pensé que le cuir et la fourrure étaient des facilités de notre industrie. Ça n’a rien de nouveau et ce n’est pas éthique. Et ça ne m’a jamais attirée ». Autant de valeurs respectables, mais qui ont longtemps représenté un frein à l’expansion de la marque et de son chiffre d’affaires. Ainsi qu’un véritable casse-tête pour remplacer les produits animaux par d’autres matières : « La question des matières en faux cuir, c’est l’éternel débat chez nous », a confié la créatrice au quotidien du soir.
Différentes sensibilités selon les continents
Un débat qui anime aussi, à n’en pas douter, de nombreuses marques de luxe n’ayant pas encore franchi le pas du « fur-free ». Concernant celles qui l’ont fait, le maître de conférences à Sciences Po et spécialiste de la mode et du luxe Serge Carreira estime quant à lui que « la plupart des maisons qui annoncent l’arrêt de la fourrure sont des maisons pour qui elle est marginale dans leur activité ». Enfin, si les questions de bien-être animal et de développement durable font partie intégrante du débat public en Europe ou aux Etats-Unis, il n’en est pas de même sur tous les continents. A commencer par l’Asie, le plus gros consommateur de fourrure au monde restant la Chine. En 2014, la Chine avait produit quelque 35 millions de peaux de vison, et importé 1,9 million de peaux de Russie et 7,5 millions des Etats-Unis et du Canada.