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Global Client Partner Luxury dans le Hub Luxe Mondial de Facebook et Instagram basé à Paris, Anne Kaminsky revient pour Les Carnets du Luxe sur la stratégie des marques du secteur sur les réseaux sociaux, ainsi que sur les solutions proposées par Facebook et Instagram afin de personnaliser toujours davantage leurs contenus.
La Rédaction : Facebook/Instagram a installé il a quatre ans à Paris son « Hub global luxe », sa seule direction générale basée hors des Etats-Unis. Pouvez-vous présenter ce département à nos lecteurs et, notamment, revenir sur le choix de Paris pour l’implanter, un choix qui ne doit sûrement rien au hasard ?
Anne Kaminsky : Le cœur du secteur du luxe se situe en Europe et, plus spécifiquement, à Paris. C’est pour cette raison qu’avec Morin Oluwole, qui a fondé le Hub, nous avons décidé d’installer cette nouvelle structure au sein de la capitale française, afin d’être au plus près des grandes marques de luxe et de pouvoir les accompagner de la manière la plus précise et personnalisée possible.
Le marché du luxe et les stratégies marketing des marques du secteur ont profondément évolué depuis cinq ans. En témoignent les études True-Luxury Global Consumer Insight, du cabinet BCG, portant notamment sur les « touch points » qui influencent le plus les consommateurs de produits de luxe : en 2013, les magazines spécialisés représentaient, de loin, le premier « touch point » (50%), alors que les réseaux sociaux et influenceurs n’étaient cités que par 11% des personnes interrogées ; mais depuis 2016 les réseaux sociaux représentent la première source d’influence (41% en 2018) pour les acheteurs de produits de luxe. Les marques du secteur ont donc adapté leur manière de communiquer. Elles ont parfaitement intégré que désormais, ce sont les réseaux sociaux qui influencent la nouvelle génération de consommateurs de luxe. Un constat qui ne les empêche pas de se poser la question de la manière d’utiliser ces nouveaux outils tout en restant en phase avec leur ADN propre. C’est précisément dans la définition de ces nouvelles stratégies que le pôle luxe de Facebook/Instagram les accompagne. A titre d’exemple, nous disposons d’un véritable studio en interne, le « creative shop », qui fonctionne comme une sorte d’agence de conseil en contenus créatifs adaptés au fil d’actualité de Facebook ou aux stories d’Instagram.
LR : L’an dernier, le budget marketing de LVMH a connu sa plus forte progression (+14%) pour atteindre 12% des ventes à 6,3 milliards d’euros. Et selon le PDG de Louis Vuitton, sa maison alloue désormais la moitié de son budget marketing au digital. Quels outils ou formats sont privilégiés par les maisons de luxe sur les plateformes digitales ? Pour quelle valeur ajoutée ?
AK : Si Facebook reste pour l’heure le « cœur du réacteur », Instagram et le succès de ses stories représentent l’une des transformations majeures apparues au cours des dernières années. Instagram séduit de plus en plus les marques de luxe, qui peuvent y développer deux stratégies distinctes : celle du feed d’actualité et celle des stories. Par définition éphémères, ces dernières relâchent, en quelque sorte, la pression sur les maisons de luxe, qui peuvent y diffuser des contenus plus informels, moins « lissés », comme par exemple les coulisses de défilés lors des Fashion Week.
Notre rôle est de conseiller les marques sur les évolutions des usages des utilisateurs afin d’adapter leurs contenus et stratégies : vers quels formats se tournent-ils en priorité ? Quels sont leurs types de consommation ? Etc. On remarque à ce titre que la génération des Millennials, qui représente le futur du luxe, adopte des modes de consommation toujours plus rapides.
Pour revenir à votre question, nous proposons par exemple le format « Instant Experience » qui plait beaucoup aux marques de luxe. Il s’agit d’un format proche des stories, le contenu apparaît également en plein écran, permettant d’entrer immédiatement dans l’univers de la marque. C’est en quelque sorte un mini-site Internet, accessible facilement depuis Facebook ou Instagram, sans risque de perte de connexion comme cela peut se produire en étant redirigé vers un site institutionnel classique. Si un produit intéresse l’utilisateur, cela lui permet ainsi de passer d’une phase de découverte à une phase d’exploration, voire d’achat.
LR : Justement, si l’on comprend bien l’intérêt de ces plateforme digitales pour la communication et le marketing des maisons de luxe, peuvent-elles également permettre d’optimiser l’acte d’achat ? Avez-vous une estimation de ce taux de conversion et si oui, comment le calculez-vous ?
AK : Il s’agit en effet d’un aspect dont nous discutons quotidiennement avec les marques. Nous les accompagnons sur deux volets : un premier lié à la construction du désir et de la désirabilité, qui demeure un enjeu d’image et de notoriété indispensable du point de vue des marques de luxe ; un second portant sur la manière de driver leur business. La raison pour laquelle Facebook et Instagram sont aussi populaires auprès des marques est que nous sommes capables, sur les deux aspects précédemment mentionnés, de proposer des solutions particulièrement puissantes : d’un coté, des vidéos qui vont susciter le désir et générer du trafic ; de l’autre, des solutions permettant de rediriger nos utilisateurs vers des sites de e-commerce ou des magasins physiques.
Nous proposons aussi des solutions permettant aux marques de mesurer concrètement les résultats de ces campagnes. A l’image de Ralph Lauren, qui a fêté l’année dernière ses 50 années d’existence : un enjeu aussi important en termes d’image que de business à proprement parler. Nous avons mené à cette occasion deux études, portant pour la première sur la perception de l’image de la marque et, pour la seconde, sur l’impact de cette campagne sur les ventes de e-commerce. Nous avons pu, à ce titre, relever une augmentation de 18% des ventes de e-commerce directement liée à la campagne lancée sur Instagram sur la génération des « millenials ». Nous proposons également une série d’outils pour monitorer les ventes offline et calculer l’attraction que l’on peut avoir en magasins, et ce en fonction des cibles très spécifiques de la marque, visant par exemple telle ou telle génération de consommateurs.
LR : Les maisons de luxe ont, de tout temps, été associées à une relation-client très personnalisée en magasins. Comment ont-elles abordé ce virage digital ? Peut-on parler d’un changement total de culture ou bien ces nouvelles stratégies s’inscrivent-elles dans la continuité de leur relations-clients plus « traditionnelles » ?
AK : Si l’heure est plus que jamais à l’omnicanalité, l’essentiel des ventes des maisons de luxe s’effectue toujours en magasin. Pour autant, 80% des ventes de produits de luxe sont aujourd’hui influencées de manière digitale. En d’autres termes, si la transaction se fait dans la majorité des cas en boutique, l’influence et la décision d’achat ont lieu ailleurs. C’est le fameux phénomène RoPo (« Research online Purchase offline »), qui a d’ailleurs son opposé, beaucoup d’achats étant réalisés online après que les consommateurs aient été tester les produits en magasins. Le parcours d’achat est, en réalité, aussi unique que chaque consommateur.
En tout état de cause, la personnalisation demeure au cœur de l’expérience proposée par les maisons de luxe. Que ce soit sur Instagram ou Facebook, chaque utilisateur voit justement défiler un feed complètement personnalisé et adapté en fonction de ses goûts personnels, ce qui permet une personnalisation à l’extrême des contenus, de la curation et de l’ensemble de ce qui est proposé à chaque personne inscrite sur ces plateformes. C’est précisément ce que les maisons de luxe apprécient : pouvoir à la fois proposer un contenu infiniment personnalisé et cibler la bonne personne. C’est ainsi que nous proposons des solutions permettant de cibler les personnes qui sont les plus susceptibles d’aller acheter en magasin. Par exemple, vous pouvez à la fin d’une publicité être redirigé vers le magasin le plus proche en fonction de votre géolocalisation.
LR : Il s’agit donc de solutions principalement conçues pour un format mobile ?
AK : En effet. Instagram est 100% mobile et près de 90% de l’utilisation de Facebook passe également par les smartphones. On est sur une utilisation mobile first, surtout si l’on parle de la génération des Millennials.
LR : Justement, quelle est la cible principale des Maisons de luxe sur les plateformes digitales ? En d’autres termes, existe-t-il un portrait robot type des utilisateurs susceptibles d’intéresser ces entreprises ? Les Millennials, ces jeunes qui représenteront 45% des clients du luxe en 2025 ?
AK : Avec 1,7 milliard d’individus, les Millennials représentent le futur du luxe et une cible d’acquisition essentielle pour les maisons du secteur, a fortiori sur les fashion médias. Il ne faudrait pour autant pas réduire l’audience des réseaux sociaux aux seules nouvelles générations : tout le monde s’y retrouve, quel que soit son âge. C’est précisément parce qu’il n’y a pas de portrait robot du consommateur que l’on peut personnaliser très finement nos contenus.