|
|
Les Carnets du Luxe sont allés à la rencontre de Paola Pimentel, créatrice de la marque Cipango. La jeune femme, designer et entrepreneuse, a partagé avec nous son amour pour le multiculturalisme dont elle est issue et qu’elle décline dans ses collections, équilibre savant entre diverses influences. Une fusion qui séduit aussi bien Paris, où se situe l’atelier Cipango, que Miami ou Berlin, où la marque vient d’intégrer des concept-stores. Entretien.
Aïssata
Haïdara
Les Carnets du Luxe : Quelle est la genèse de votre marque ?
Paola Pimentel : J’ai toujours voulu créer ma marque, mais j’ai réellement développé l’enseigne il y a 1 an et demi, en 2021, à Paris, avec le souhait de partager mon amour des cultures et de la découverte. Le nom Cipango m’est venu naturellement, il fait référence aux périples de Marco Paulo (l’explorateur désignait ainsi le Japon, ndlr). L’identité de la marque est simple : elle s’articule autour du multiculturalisme. Le concept consiste à fusionner deux cultures à chaque collection dans une recherche constante d’équilibre, tout en adoptant une démarche éco-responsable.
LCDL : Quel est votre parcours en tant que jeune designer ?
PP : A la suite d’un baccalauréat en arts appliqués, j’ai étudié le stylisme et le modélisme à l’Atelier Chardon Savard. J’ai poursuivi avec un BTS en Commerce International, car il ne faut pas oublier que c’est malgré tout de vente dont il s’agit. Il faut apprendre à vendre ce que l’on crée. Ensuite j’ai enchaîné avec des postes d’assistante styliste, puis styliste à New-York et Paris. Puis, en 2021, je suis devenue auto-entrepreneuse avec l’aventure Cipango.
LCDL : Où est née cette passion pour la création ?
PP : Mon père est artiste peintre galerie en République dominicaine, j’ai passé ma petite enfance dans un atelier à peindre et à dessiner à ses côtés. Spontanément, j’ai été attirée par le vêtement, le stylisme. Ma mère quant à elle est juriste. Un équilibre que l’on retrouve dans mon parcours, mêlant rigueur et création.
LCDL : D’où viennent vos inspirations ?
PP : Certains voyages sont plus marquants que d’autres, beaucoup de culture me touchent énormément. Ma dernière collection mélange mes origines dominicaines avec la Corée, une culture plus minimaliste. Pour la première collection nous avons associé le style américain des années 20 avec des lignes japonaises, qui se mêlaient bien avec le pantalon à pattes d’éléphant. Nous nous sommes beaucoup inspirés d’Issey Miyake (styliste japonais, ndlr) pour les plissés de cette première collection.
Pour sa première collection, la jeune créatrice s’est inspirée des plissés du styliste japonais Issey Miyake. @Aïssata Haïdara
LCDL : Quels ont été vos débuts ?
PP : J’ai commencé petit, je n’avais pas vraiment d’enjeu au début. J’ai créé une toute petite collection et j’ai fait un défilé dans le restaurant d’un ami, il y avait seulement cinquante ou soixante personnes. Une équipe venue de Londres, adorant la collection, a eu envie de nous aider et a organisé un shooting. J’ai pu ensuite démarcher les boutiques concept store, une première à répondu positivement, puis deux, etc … Tout est allé très vite !
LCDL : Le lancement d’une marque peut générer beaucoup d’inquiétudes, avez-vous eu peur ?
PP : Oui, comme n’importe qui je pense qu’au début. J’ai pris le temps d’acquérir les armes nécessaires, pour me lancer dans le grand bain des créateurs. J’économisais depuis mes quinze ans pour ça ! C’est à la suite de mes études et de mon apprentissage que j’ai trouvé et peaufiné ma direction artistique. Puis, grâce au succès d’une collection chez la Maison Alphadi, pour laquelle je travaillais en tant que styliste, je me suis sentie légitime pour démarrer mon projet. Ça m’a donné confiance, c’était le moment.
LCDL : Avez-vous rencontré des difficultés depuis le lancement ?
PP : Oui, au début j’étais peut-être un peu moins confiante, je cherchais un modéliste pour mieux réaliser les pièces, mais je me suis rendu compte que c’était mieux quand je m’en occupais moi-même. Être entrepreneur, c’est uniquement des problèmes à résoudre. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a autant de solutions que de problèmes ! Par exemple, pour une de nos collections, il manquait un tissu, alors on a trouvé un autre fournisseur. Les défilés sont aussi des moments difficiles à organiser, avec des galères de dernières minutes. On doit quotidiennement faire face à des « situations », à des imprévus.
LCDL : Actuellement, quel est votre rôle au sein de Cipango ?
PP : Je touche à tout, du design aux patrons, jusqu’aux prototypes, en passant par la gestion de l’image de marque sur les réseaux, le community management, ainsi que la partie commerciale avec les négociations, les envois et le packaging. Je suis auto-entrepreneuse et je mène mon entreprise avec minutie, accompagnée d’une employé et d’une stagiaire. La seule action que je ne fais pas, c’est la confection, déléguée dans un atelier de confection sur Paris.
Du design aux patrons en passant par la gestion de l’image de marque, Paola Pimentel est omniprésente au sein de Cipango. @Aïssata Haïdara
LCDL : Etre une femme dans le milieu de la mode est assez commun, mais à la tête d’une entreprise moins, avez-vous rencontré des difficultés ?
PP : Être une femme est plus difficile sur l’aspect financier. Je n’ai pas de difficultés parce que je suis une femme, mais parce que je ne suis pas un homme sortant d’une grande école de commerce. Par conséquent, c’est plus compliqué de trouver des financements extérieurs. Il y a beaucoup de femmes dans le milieu de la mode, mais dans l’entrepreneuriat on peut rencontrer des difficultés à être prise au sérieux. Cela vient avec le temps, mais il faut faire ses preuves !
LCDL : Vous revendiquez une approche eco-responsable, comment se traduit-elle ?
PP : J’essaye d’adopter au maximum des valeurs éco-responsable et d’avoir une conscience écologique. Tant qu’il y a des efforts dans ce sens de la part des créateurs, c’est le plus important. Pour les collections, Cipango travaille en circuit court, sur des matières naturelles, comme le coton bio. Le packaging est en carton recyclé, acquis auprès d’un fournisseur également engagé dans le respect de l’environnement. Aujourd’hui, beaucoup de designers évoluent dans le respect de l’environnement en préférant un circuit court, pour contrer la Fast Fashion et les grosses fabrications textiles peu éthiques et très polluantes.
LCDL : Avez-vous pu aisément développer un circuit court sur Paris ?
PP : Certains textiles sont difficiles à trouver sur la capitale. Pour la première collection nous n’avons pas pu trouver la bonne couleur pour un tissu, donc nous sommes passés par un teinturier artisanal. C’est un peu du bricolage ! L’enseigne fait actuellement tout sur Paris, de l’achat de matières à l’envoi. Je collabore aujourd’hui avec un atelier de confection parisien, découvert par le bouche-à-oreille, éthique également. L’équipe est excellente !
LCDL : Vous venez d’intégrer un concept store à Miami, souhaitez-vous continuer à vous internationaliser ?
PP : En effet, nous venons d’intégrer un concept store à Miami, ainsi qu’à Berlin. Notre marque plaît beaucoup aux Américains. Oui, c’est avec plaisir que nous continuerons de nous exporter au fur et à mesure.
LCDL : Qu’est-ce que le luxe pour vous ?
PP : Le luxe c’est le vêtement bien fait, c’est l’opposé de la fast fashion. Le but des créateurs n’est pas de faire le plus de produits possibles, et de vendre un maximum, mais de prendre le temps de sélectionner les meilleurs matériaux et textiles pour fournir la meilleure qualité de produits.
LCDL : Une information exclusive à partager avec nos lecteurs ?
PP : Une collection sortira en octobre, et un des deux thèmes sera la Somalie.
Stay tuned…
Entretien dirigé par Charlie Boutemy