|
|
Sous l’Ancien Régime, le mobilier produit à Paris jouit d’une réputation dépassant de loin ses frontières. Une corporation sévère veille à sa qualité tandis qu’une clientèle fortunée encourage sa somptuosité. La suprématie des ateliers parisiens éclipse presque complètement la production régionale. Parmi les rares artisans provinciaux qui parviennent à concurrencer ceux de la capitale, la famille Hache, par l’élaboration d’une véritable marque de luxe, est vraisemblablement la plus remarquable.
Xavier
Sauty de Chalon
Le produit et son histoire : identification de l’ADN de la production Hache
UNE HISTOIRE DE FAMILLE
Aux XVII et XVIIIe siècles, l’ébénisterie est encore un métier récent et, en France, ce sont surtout des immigrés qui la pratiquent. Les Hache se distinguent de ce modèle : d’une famille issue du nord de la France, leur lignée se compose de cinq maîtres ébénistes, dont le premier officiait déjà dans la première moitié du Grand siècle, qui se sont transmis de génération en génération la technique du meuble plaqué et marqueté. Cette ancienneté à elle seule garantit à l’atelier une légitimité et une réputation certaine.
UN PRODUIT UNIQUE ET DE GRAND LUXE
À l’époque, l’ébénisterie est l’apanage des ateliers de la capitale ; en province, elle est délaissée au profit de la menuiserie. La famille Hache, qui s’est installée au XVIIIe à Grenoble, s’illustre alors comme représentante exceptionnelle du meuble plaqué en région, et jouit dans le Dauphiné du monopole de cette technique.
L’excellence de la production des Hache, et notamment de Jean-François, est due aussi et surtout à la très grande qualité et à la diversité du mobilier produit. En outre, au-delà de ses meubles, il propose des services divers (travaux d’agencement, vente de matériaux et d’outillage…). Par ailleurs, il se tient au plus près des modes parisiennes, dont il mêle l’influence à la tradition locale et aux innovations décoratives et structurelles de ses meubles, proposant alors un produit tout à fait unique au summum de la modernité.
Publicité et communication : le marketing d’un atelier d’artisanat au XVIIIe
LES POINTS DE VENTE ET LA CLIENTELE
Dans la capitale du Dauphiné, les Hache étaient bien établis : la dispersion dans la ville de magasins et d’ateliers assurait leur connaissance par le plus grand nombre. Mais la production des Hache s’adressait essentiellement à la haute bourgeoisie et à la noblesse locale, dont le duc d’Orléans. Trois membres de la dynastie ont d’ailleurs obtenu le statut d’ébéniste attitré du prince.
LA PROMOTION DE L’ATELIER
Il peut paraître étonnant de parler de marketing pour un atelier de l’Ancien Régime. Et pourtant, l’apposition d’estampilles par les Hache sur leur production s’inscrit bien dans une démarche commerciale. En effet, les artisans régionaux n’ont jamais été tenus de marquer leurs bâtis, contrairement aux parisiens. La marque « HACHE À GRENOBLE », telle un logo, correspond alors à la représentation symbolique de l’atelier, et garantit la qualité du meuble qui l’héberge.
Marque encore plus singulière de modernité, Jean-François Hache collait à l’intérieur de ses meubles des étiquettes publicitaires le présentant et listant la grande diversité de sa production. Un moyen original pour l’époque de promouvoir sa « marque » chez ses clients !
Bibliographie.
Fonvieille, René, La dynastie des Hache, Grenoble : Dardelet, 1974.
Rouge, Pierre & Françoise, Le génie des Hache, Dijon : Faton, 2005.
Images : © Sotheby’s / © Anticstore