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Sur le site de la maison de vente aux enchères Bonhams, une prochaine vente attire particulièrement l’attention : « The Crown Auction » qui aura lieu à Londres le 7 février 2024, en ligne du 30 janvier au 8 février. Une partie des 450 lots, objets et costumes issus de la saison 1 à 6 de la série The Crown sera également exposée chez Bonhams Cornette de Saint-Cyr à Paris, 6 avenue Hoche, du 11 au 15 décembre. Les recettes de la vente serviront à mettre en place le programme de bourses Left Bank Pictures – The Crown à la National Film and Television School (NFTS).
Parmi les différents lots, l’un d’entre eux se distingue en raison de la nature de sa description. Alors que la plupart des vêtements sont détaillés du point de vue matériel – la robe de « Vanessa Kirby (en tant que Princesse Margaret) est une robe de bal en tulle richement ornée de sequins représentant des papillons » – la robe portée par Elizabeth Debicki (en tant que Princesse Diana) est décrite comme incarnant le concept de « vengeance ».
Si l’on considère les vêtements comme un langage tel que Roland Barthes le soutient, la première robe est décrite comme un « signifiant » qui renvoie à sa dimension matérielle. En revanche, la robe de Diana est directement perçue comme un « signifié » : la vengeance.
L’opposition révèle également le signifié de la robe blanche de la Princesse Margaret qui évoque au contraire une forme de douceur, de déférence, de respect des codes royaux.
La symbolique de la robe de Diana, noire, simple, intemporelle et modernisée, se construit précisément en réaction à ces codes. C’est ainsi qu’est née dans notre imaginaire l’assimilation constante de la robe noire « légère » avec le désir de la femme de reprendre le pouvoir et sa liberté après une séparation ou un divorce dont l’origine tient dans l’histoire personnelle de la princesse Diana.
C’est le 29 juin 1994 que Diana revêt pour la première fois la « revenge dress » originale, créée en 1991 pour la princesse par la designer grecque Christina Stambolian, à l’occasion d’une soirée caritative donnée par Vanity Fair à la Serpentine Gallery de Londres. Diana est ce soir-là une femme libre séparée depuis deux ans de son époux le Prince Charles qui avoue le jour même du gala ses propres infidélités à la télévision nationale. Ces circonstances ont favorisé l’engouement des rédactions de tabloïds pour Diana et les ont amenés à choisir la robe qu’elle portait ce soir-là comme emblème de cet événement, d’où l’idée de vengeance.
Depuis la robe originale créée par Stambolian, une autre et unique réplique créée par la designer a été vendue à la maison de vente aux enchères Kerry Taylor en 2011 pour la somme de 18 000 livres. Dans le cas de la copie créée pour la série The Crown, la robe est estimée préalablement entre 8 000 et 12 000 livres. Bien qu’il n’existe que deux « revenge dress » créées par Stambolian, de nombreuses robes continuent de s’inspirer de l’original et deviennent même une « déclaration » pour celles qui les portent. À partir des descriptions qui accompagnent les lots de la maison Bonhams, nous constatons que, contrairement à la robe de la princesse Margaret, qui incarne plutôt » les faits du vêtement » (Barthes) avec une description concrète directement observable, la « revenge dress », même indépendamment du contexte du cinéma, se retrouve et se retrouvera toujours parmi les « faits de costume » dont la description sera perpétuellement abstraite, repérable et nommable, ce qui en légitime l’intérêt dans une vente aux enchères.
La valeur de la « revenge dress » ne provient pas, comme cela peut être le cas pour la robe de Vanessa Kirby, des éléments qui la composent ; elle insiste sur l’action de vengeance de la Princesse Diana qui apparaît en femme libre.
À quel prix la « revenge dress » sera-t-elle adjugée en février?