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Le vêtement vintage a pris son essor durant les sixties. Il est aujourd’hui un phénomène essentiellement urbain lié au «monde de l’art», au sens le plus large. Porter des vêtements vintage (ou d’inspiration vintage) est devenu un marqueur culturel. Cela permet de se distinguer et de s’inscrire dans l’esprit d’une époque révolue. De ce point de vue, il s’agit d’une manière de prendre ses distances avec son temps et la mode de son temps. Il n’est donc pas surprenant que le vintage soit particulièrement prisé de personnalités liées à l’underground, comme Chloë Sevigny, muse des réalisateurs Vincent Gallo et Harmony Korine. Pour les membres de cette « élite des marges », porter les «total looks» emblématiques de la saison serait déroger. De la même manière qu’on peut se détourner du pré-pensé d’une époque, on peut résister à son prêt-à-porter. Le vintage, dans cette perspective, serait une forme sympathique de dissidence, une dissidence qui n’engage pas à grand-chose.
Cette distance dandy prise avec la mode et son système frénétique de désirs toujours réenclenchés rencontre aujourd’hui la conscience vive de la finitude d’un monde dont on ne peut plus gaspiller les ressources (la mode est le deuxième secteur le plus polluant au monde derrière la pétrochimie). De grandes maisons la prennent donc en compte : « De nombreux créateurs, comme Alessandro Michele, chez Gucci, ou Anthony Vaccarello, chez Saint Laurent, s’inspirent sans complexe du passé et le disent », note dans une interview à Elle Marie Blanchet, chef du département vintage chez Vestiaire Collective. Ainsi, bénéficiant de la force de frappe des grandes marques, l’esthétique vintage se démocratise-t-elle.
Il s’agit même actuellement d’un des créneaux les plus porteurs sur lequel il est encore possible de se faire une place. À titre d’exemple, la jeune marque de lunettes françaises, Vinyl Factory, affiche un taux de croissance annuel moyen de 18%, son chiffre d’affaires ayant successivement bondi de 2,5 millions d’euros en 2012 à 4,15 millions en 2015 puis à 6 millions en 2018. Selon Mikael Guigui, co-fondateur de la marque, « la vague du vintage ne va pas retomber. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une vague, mais d’un courant. Le vintage se renouvelle sans cesse, se nourrissant de références plus ou moins anciennes, les repensant, les remodelant pour les mettre au goût du jour. Cette source d’inspiration est inépuisable car le regard qu’on porte sur une même période évolue. Par exemple, les années 70 ne sont plus perçues aujourd’hui comme elles l’étaient il y a dix ans. Les références vintage que la mode va y puiser sont donc différentes et, si elles sont les mêmes, elles sont différemment interprétées. »
Si, d’un côté, le vintage peut se renouveler sans cesse et que, de l’autre, l’époque est particulièrement favorable à cette démarche empreinte d’une douce nostalgie, il est probable que cette mode non seulement ne passe pas, mais même devienne un des courants dominants de la prochaine décennie.
Image : Louise K. avec des lunettes de soleil Vinyle factory © Guillaume de Sardes