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Le premier syndicat des influenceurs vient de voir le monde au Royaume-Uni. Une initiative qui s’inscrit dans un contexte plus large : les influenceurs cherchent désormais à faire reconnaître leurs droits auprès des marques. Ils réclament plus de visibilité sur leur travail, plus de contrôle sur leurs rémunérations, et défendent aussi plus de diversité et d’inclusion dans les campagnes marketing des marques. Ce vent de fronde qui souffle sur les réseaux sociaux pourrait avoir de nombreuses conséquences pour les marques de luxe. Elles sont les premières à avoir recours à ces influenceurs pour entretenir leur image sur les médias digitaux.
Depuis l’avènement de Facebook, Instagram et autres supports de communication digitale, les marques de luxe ont amorcé une véritable migration numérique. Le point commun de toutes leurs campagnes de marketing digital ? S’appuyer sur des influenceurs web et leur notoriété pour capter une nouvelle audience.
Ces influenceurs sont parvenus à se faire un nom dans le monde digital grâce à une communauté croissante de followers. On parle ici de dizaines de milliers voire de millions de followers. En acceptant de monétiser leur audience, ces influenceurs sont désormais entrés dans l’économie du luxe. Une relation de co-dépendance s’est mise en place.
Concrètement, le rôle des influenceurs auprès des marques revêt plusieurs types de prestation. De la simple publicité grâce à des posts sponsorisés au partenariat à long terme, en passant même par des collaborations pour des collections capsules. Les modèles évoluent rapidement, et la notoriété croissante des influenceurs inspirent les marques.
Chiara Ferragni : l’influenceuse devenue une marque
L’exemple de Chiara Ferragni est le plus frappant. Elle compte plus de 20 millions de followers. L’italienne est l’influenceuse la mieux payée dans le secteur du luxe. Égérie de Lancôme, elle est aussi partenaire du joaillier Pomellato. Elle signe des collections capsules pour des marques de vêtements, comme Champion. Et en décembre 2019, la plateforme Amazon Prime lui a même consacré un documentaire pour revenir sur sa success story. A 33 ans, Chiara Ferragni n’est plus seulement un nom qui fait vendre ; elle est devenue sa propre marque de luxe.
Un marché de 15 milliards de dollars en 2022
Dès 2022, le marketing d’influence devrait représenter un marché mondial de 15 milliards de dollars. Cette montée en puissance ne passe pas inaperçu. Et les influenceurs eux-mêmes ont bien conscience qu’ils sont à un tournant. Au Royaume-Uni, le premier syndicat des influenceurs vient de voir le jour début juillet. The Creator Union a pour but de défendre les droits des influenceurs face aux marques. Il doit permettre de lutter contre les contrats abusifs, les disparités salariales et les risques de discrimination.
L’initiative fait suite à la création aux Etats-Unis de l’American Influencer Council. Il ne s’agit pas d’un syndicat, mais d’une association à but non lucratif. Lancé par Qianna Smith Bruneteau en juin dernier, ce Conseil rassemble pour l’instant une douzaine d’influenceurs. Mais leurs revendications sont les mêmes : présenter un front uni face aux marques pour faire valoir les droits des influenceurs.
Le boom des agences d’influenceurs, mais aucun statut juridique
Dans les faits, il existe actuellement des agences d’influenceurs. Depuis 2019, 380 nouvelles agences d’influenceurs ont vu le jour dans le monde. Elles sont constituées d’agents qui sont là pour promouvoir les influenceurs, les aider à monétiser leur audience et les mettre en relation avec les marques. Mais la réglementation est encore très floue, aux Etats-Unis comme en Europe.
En France, maître Frédéric Chhum, avocat au barreau de Paris, s’est spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle, et plus précisément en ce qui concerne le web et les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il constate : « Le cadre juridique des influenceurs n’est pas clairement défini, notamment car les situations sont hétérogènes. » Jusqu’à présent, les marques font appel à des influenceurs via des contrats de prestation de service. Mais il n’y a pas de contrat type. Selon les marques, leurs stratégies média et les influenceurs, la nature des prestations et leur rémunération peut varier du tout en tout. Ce qui peut parfois mener à des situations abusives.
Aux Etats-Unis, l’American Influencer Council a vu le jour à cause d’un constat : les marques avaient pris l’habitude de moins rémunérer les influenceurs de couleur ou issus de la communauté LGBT. La transparence est au cœur des revendications du Conseil. Et avec deux associations désormais lancées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les marques vont devoir s’adapter rapidement si elles ne veulent pas perdre du terrain dans la sphère digitale.