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C’est au XIXe siècle que le vêtement et plus généralement la mode acquièrent une place importante dans la littérature. Cette relative nouveauté accompagne le développement de ce secteur au fur et à mesure de l’essor de la bourgeoisie. Celle-ci se pique d’élégance jusqu’au dandysme. « Le dandysme apparaît aux époques transitoires où la démocratie n’est pas encore toute-puissante, où l’aristocratie n’est que partiellement chancelante et avilie… Le dandysme est un soleil couchant : comme l’astre, il décline, il est superbe, sans chaleur et plein de mélancolie », écrit Charles Baudelaire dans Le Peintre de la vie moderne (1863). Mélancolique ou non, le dandy porte une attention toute particulière à la mode, qu’il contourne, devance, excède.
La « mode », le XIXe siècle met le mot lui-même à la mode ! Charles Baudelaire encore, dans le même livre : « Le beau est fait d’un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d’un élément relatif, circonstanciel, qui sera, si l’on veut, tour à tour ou tout ensemble, l’époque, la mode, la morale, la passion. » Il n’est donc pas étonnant que trois ans plus tard, Théophile Gautier publie un De la mode. Celle-ci tend à devenir un sujet à part entière. À partir de 1874, c’est Mallarmé qui collabore à une revue féminine titrée La Dernière mode pour laquelle il rédige des articles sur les bijoux, la gastronomie ou l’ameublement, qu’il signe de pseudonymes féminins, Marguerite de Ponty ou Miss Satin.
Mais c’est Proust, au début du XXe siècle, qui avec À la recherche du temps perdu donne à la mode toute son importance en en faisant, avec une précision encore jamais atteinte, le reflet du milieu et d’une époque. La façon de se vêtir, de se parer, de se tenir signe une appartenance aussi sûrement qu’un nom de famille ou une adresse. C’est un tel usage littéraire de la mode comme marqueur sociologique qu’on retrouve chez Bret Easton Ellis dès son génial premier roman, Moins que zéro. Mais les temps ont changé, on est en 1985, et la mode se résume désormais aux marques qui la font. Un procédé que l’écrivain américain pousse à sa limite dans American Psycho (1991). Dans deux pages prises au hasard : « Aujourd’hui, je porte un costume Alan Flusser. (…) Ma cravate de soie tachetée est griffée Valentino Couture. Aux pieds, je porte des mocassins de crocodile A. Testoni. (…) Attrapant mon imperméable dans la penderie de l’entrée, je mets la main sur une écharpe Burberry’s (…). Je prends l’ascenseur pour descendre, remontant ma Rolex d’un léger mouvement de poignet. »
Si la mode semble définitivement entrée en littérature, la littérature influence-t-elle la mode ? Entre mode et littérature la relation est-elle à sens unique ? Le livre d’Esther Henwood, Mode & Littérature (2013), montre que non. Dans cet ouvrage l’auteur a demandé à quarante créateurs de produire une tenue qui rendrait hommage à leur héroïne préférée. On retrouve ainsi du côté des créateurs, Karl Lagerfeld, Christian Lacroix ou encore Inès de La Fressange ; du côté des héroïnes, Lolita ou Anna Karénine. Ce sont des personnages littéraires qui inspirent cette fois les créateurs. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Serait-il si surprenant que, de la même manière qu’elles font appel à des artistes, les grandes marques de luxe collaborent bientôt avec des écrivains ?
Modèle : Constance / Instagram : @constancevalentine_j