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Dans deux mois, François-Henri Pinault dévoilera sa feuille de route pour adapter l’industrie mondiale du luxe aux enjeux écologiques et environnementaux. Le président du groupe de luxe Kering, qui fut le premier à nommer un « directeur du Développement durable », fut un précurseur dans ce domaine.
Le monde du luxe est peut-être à l’aube d’une révolution durable. Alors que l’industrie de la mode est l’une des plus polluantes au monde – notamment à cause des quantités d’eau nécessaires à la fabrication des produits et des tonnes de déchets engendrées –, une feuille de route mêlant changement climatique, protection de l’environnement et exigences industrielles devrait être remise, fin août, lors du prochain G7 à Biarritz.
L’annonce avait été faite par Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, en mai dernier, lors du Copenhague Fashion Summit consacré à la mode durable. L’objectif, selon elle, est de présenter un « fashion pact » afin de réduire l’impact environnemental de l’industrie du luxe. Cette dernière devrait enregistrer une croissance de 81 % en volume et atteindre 102 millions de tonnes de produits d’ici 2030, selon l’étude annuelle du Boston Consulting Group, « True Luxury Global Consumer Insight ».
« Compte de résultat environnemental »
Pour mener à bien cette mission, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a fait appel à François-Henri Pinault, le président du groupe de luxe Kering, comme l’avait également révélé la secrétaire d’Etat. Cette nomination ne doit rien au hasard et serait due aux très bons résultats enregistrés par le groupe breton, notamment en matière de développement durable. En janvier dernier, Kering arrivait en deuxième position dans le classement exigeant des « Global 100 Most Sustainable Corporations », publié, comme chaque année, à l’occasion du Forum économique mondial de Davos, par le magazine canadien spécialisé Corporate Knights, confortant ainsi sa première place dans le domaine du luxe.
« C’est une très belle reconnaissance pour les équipes de Kering et de ses maisons qui œuvrent depuis des années pour améliorer toujours davantage nos processus et nos produits », avait reconnu à l’époque François-Henri Pinault. Depuis qu’il est arrivé à la tête de l’entreprise familiale, en 2005, le fils de François Pinault met effectivement la responsabilité verte au cœur de sa stratégie. Il est par exemple le premier à avoir nommé un directeur du Développement durable et intégré, quelques années plus tard en 2010. A l’horizon 2025, Kering souhaite également « utiliser les ressources dans le respect des limites planétaires définies et via une approche scientifique, afin de réduire de 50 % les émissions de CO2 de ses activités », d’après un communiqué publié en 2017.
Pour ce faire, le groupe utilise un outil baptisé EP&L (pour Environmental Profit and Loss), un « compte de résultat environnemental », développé par le cabinet PwC, afin de mesurer l’impact de ses activités sur l’environnement, de la confection des produits jusqu’à leur vente. Cette conscience écologique n’est pas tout à fait désintéressée, car les consommateurs ne désirent plus simplement acheter, mais acheter responsable. Alors que le marché de la « seconde main » pourrait connaître une croissance de + 12 % d’ici 2021 – et franchir la barre des 30 milliards d’euros –, les consommateurs du luxe favoriseraient à 60 % les marques engagées, selon l’étude annuelle du Boston Consulting Group.
Chasse aux invendus
Comme le reconnaissait François-Henri Pinault en janvier dernier, après la publication du classement « Global 100 », « luxe et développement durable, loin d’être antinomiques, se doivent aujourd’hui d’être intimement liés ». Le patron français a deux mois pour plancher sur un pas de deux qu’il a déjà contribué à développer au sein de son groupe. « Il s’agit de créer une coalition d’entreprises s’engageant sur les sujets de biodiversité, de changement climatique et de protection des océans », précisait à ce titre Marie-Claire Daveu, responsable du développement durable de Kering, lors du Copenhague Fashion Summit de mai dernier. Au programme : des engagements quantifiés et un calendrier de mise en œuvre.
Le gouvernement français, par la voix du Premier ministre Edouard Philippe, vient d’ailleurs tout juste d’annoncer l’adoption prochaine d’une mesure anti-gaspillage. Cette mesure devrait être contenue dans la loi pour l’économie circulaire, que présentera Brune Poirson en conseil des ministres en juillet prochain. « Produire pour détruire, c’est fini », a déjà averti la secrétaire d’Etat. L’industrie du luxe a bien entendu le message. De grands groupes, comme Kering, réfléchissent déjà à mettre en place des projets d’« upcycling », consistant à transformer des invendus en produits haut-de-gamme…