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Le marché global du luxe se porte bien en Europe. Et cette bonne santé financière s’observe aussi sur le segment du luxe d’occasion. Désormais très tendance, la seconde main devient un levier business crucial pour le luxe. Elle s’inscrit dans une démarche de consommation plus responsable. Mais elle souligne aussi la forte désirabilité des marques patrimoniales, qui sont les plus à même de tirer leur épingle dans le jeu de la revente.
Il y a encore dix ans, le luxe d’occasion était presque un sujet tabou. Et les consommateurs ne se vantaient pas spécialement de posséder des articles « usagés » dans leur vestiaire. Mais la donne a radicalement changé. La crise environnementale a rebattu les cartes en matière de consommation. Et tandis que chacun tente de réduire son empreinte carbone, le luxe de seconde main tient enfin sa revanche.
Les chiffres le prouvent bien d’ailleurs. D’après le rapport du groupe Imarc, le marché européen des articles de luxe de seconde main a atteint les 16,6 milliards de dollars en 2022. Encore mieux : la croissance va se poursuivre. Et entre 2023 et 2028, le cabinet d’analystes estime que la croissance sera de 8,3%. Le marché européen devrait donc atteindre les 26,5 milliards de dollars.
Quels sont les produits et les marques les plus prisés à la revente ?
Sans réelle surprise, les articles et les marques de luxe les plus populaires se retrouvent en tête du classement des articles de seconde main. Ainsi, le marché européen se structure principalement autour de la maroquinerie, des souliers, de la joaillerie et des montres. D’après le dernier rapport du Boston Consulting Group, les montres de seconde main représentent désormais un tiers du marché global de l’horlogerie de luxe.
Du côté des marques, les consommateurs recherchent en priorité des valeurs sûres. Là non plus, pas de surprise : Louis Vuitton, Chanel et Hermès sont dans le trio de tête pour la maroquinerie. Et les maisons tricolores sont également bien représentées dans toutes les catégories d’articles de luxe de seconde main. Leur notoriété et la désirabilité de leurs modèles expliquent en partie l’intérêt que les consommateurs de seconde main leur portent.
Luxe d’occasion : parle-t-on vraiment de déconsommation ?
Consommer moins pour consommer mieux. Ce mantra se vérifie-t-il avec les articles de luxe d’occasion ? Difficile à dire. A l’heure actuelle, peu d’études s’intéressent à la quantité globale moyenne d’articles achetés chaque année par les consommateurs de luxe. Donc le phénomène de déconsommation n’est peut-être pas le principal levier qui explique l’attrait de la seconde main pour les produits premiums.
En revanche, il est vrai qu’un changement de mentalité a opéré. Le luxe de seconde main s’affiche désormais de manière décomplexé. La presse mode n’hésite plus à proposer des articles conseils sur les must-have des sacs d’occasion par exemple. Et c’est bien le signe qu’il est devenu tendance d’acheter des produits de luxe d’occasion auxquels le client offre une seconde vie.
Certes l’attention portée à la durée de vie des produits est bien présente à l’esprit des consommateurs. Mais quant à estimer qu’il s’agit de leur principale motivation d’achat, il y a encore une marge. Finalement, le marché de l’occasion est surtout une opportunité de démocratiser des produits de luxe qui, par essence, restent peu accessibles.
Investissement et spéculation
En février 2022, le très sérieux journal économique Les Echos publiait un article au sujet original. Son titre : « Acheter un sac à main de luxe, un investissement qui rapporte ». Il présentait les marques les plus prisées et listait les modèles de sacs de luxe dont la revente d’occasion présentait le meilleur retour sur investissement. De tels articles sont désormais légion sur le web. Et de nombreux conseils d’investissements évoquent effectivement les articles de luxe comme placement à haut rendement.
Effectivement, les séries limitées du très célèbre sac Birkin d’Hermès battent régulièrement des records. En 2019, un modèle Birkin Faubourg s’est revendu à 158 000 euros sur le site spécialisé Vestiaire Collective. Et en septembre 2022, chez Sotheby’s Paris, un autre modèle Hermès a même atteint les 352 800 euros.
Sur Internet, et notamment sur les réseaux sociaux, les conseils pour investir dans des articles de luxe avec un bon ROI à la revente prouvent que les nouvelles générations de clients envisagent leurs achats autrement. Ce ne sont plus seulement des collectionneurs en quête d’une pièce rare. Il s’agit aussi de consommateurs avisés qui voient en ces articles de luxe d’occasion un investissement judicieux. Et l’engouement autour des plateformes de revente spécialisées prouve qu’ils ont raison de faire ce pari.
Pour les marques de luxe, comment capitaliser sur les articles d’occasion ?
Le pari est plus risqué pour les maisons de luxe. En effet, elles n’ont pas trop intérêt à valider une stratégie de démocratisation… quand leur business model continue de fonctionner sur le principe de la rareté. Plusieurs d’entre elles lancent des initiatives de seconde main, notamment pour sécuriser l’authentification des articles mis en vente sur les plateformes. Mais peut-on imaginer un corner de sacs de seconde main dans une boutique Chanel ?
Face à un marché en croissance constante, les marques de luxe vont pourtant devoir trouver une solution pour se positionner de façon pertinente. Car en ne prenant pas l’initiative, elles laissent la main aux pure players. Ces derniers sont d’ailleurs toujours plus nombreux d’année en année. Et la concurrence sur le segment du luxe d’occasion en Europe s’intensifie avec l’arrivée de nouveaux acteurs. Début mars, c’est la start-up allemande Saclàb qui a effectué une levée de fonds de 1,6 million d’euros. Son ambition : consolider sa présence en Europe, et même s’implanter progressivement aux Etats-Unis d’ici fin 2023.