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A l’image d’une société et de clients de plus en plus concernés par les questions d’éthique et de développement durable, les pratiques du secteur du luxe évoluent. En cette rentrée et avant les Fashion Week des grandes capitales, la question du bien-être animal s’invite plus que jamais sur les podiums. Premier volet de notre enquête sur un secteur en plein aggiornamento.
L’animal est-il un « individu » au même titre que les êtres humains ? Pour un nombre sans cesse grandissant de nos contemporains, le respect du droit et du bien-être animal fait désormais figure de priorité, guidant notamment leurs habitudes alimentaires, ou encore leurs choix de consommation quotidienne. Très minoritaire à ses débuts, ce mouvement de société est accompagné par un certain nombre de publications grand-public, comme cet ouvrage de Carl Safina, « Qu’est-ce qui fait sourire les animaux ? » (Vuibert, mars 2018). L’auteur y décrit « un univers insoupçonnable, où la frontière entre l’humain et le non-humain s’estompe ».
Des associations militantes à la pointe de la lutte antispéciste
D’un point de vue politique et médiatique, la lutte antispéciste – qui considère le « spécisme » comme une forme de racisme envers les autres espèces non-humaines – est principalement menée par des associations militantes comme PETA, 269 Libération animale ou encore l’association française L214. Cette dernière structure tire son nom de l’article L214-1 du Code rural, qui définit, pour la première fois dans le droit français, les animaux comme des « êtres sensibles ». Une définition encore élargie en 2014, l’animal étant désormais désigné dans le Code civil français comme un « être vivant doué de sensibilité », et non plus un « bien meuble ».
Les militants de ces associations de défense des animaux sont connus de l’opinion publique pour leurs actions spectaculaires : manifestations publiques, campagnes de communication « trash », actions de « libération » d’animaux d’élevages, ou encore divulgation de vidéos accablantes tournées dans des abattoirs ne respectant pas la réglementation en vigueur. Diffusées sur les réseaux sociaux, ces images et vidéos deviennent virales et contribuent au succès de ces militants auprès d’un public plus large. L214 revendiquait ainsi quelque 5 000 donateurs en 2016, pour un budget annuel avoisinant les 500 000 euros.
« Notre but est de changer la société, afin qu’elle ne considère plus les animaux comme des biens à sa disposition, explique-t-on chez L214. Qu’on ne les utilise plus comme nourriture, comme matériel de laboratoire, ni comme sujets de divertissement ». Un discours consensuel qui tranche avec le mode d’action de ces militants, leurs « victimes » – bouchers, patrons d’abattoirs – contestant le plus souvent la véracité des informations révélées, voire l’authenticité des vidéos publiées sur Internet. Quitte à traîner ces associations devant les tribunaux.
Le secteur du luxe s’engage pour le bien-être animal
Régulièrement montré du doigt par les défenseurs des animaux, le secteur du luxe et de la mode n’échappe évidemment pas aux évolutions des mentalités traversant la société. Et fait, peu à peu, son aggiornamento sur ces questions auxquelles l’opinion publique – et singulièrement les Millennials – se montre de plus en plus sensible. Le British Fashion Council (BFC) a ainsi annoncé que la prochaine Fashion Week londonienne, qui se tiendra du 13 au 18 septembre, sera la première édition à être intégralement « fur-free ». « Aucune fourrure d’animal ne sera utilisée à la Fashion Week de Londres », a déclaré le BFC dans un communiqué.
L’organisme qui chapeaute la semaine de la mode britannique précise également qu’il s’agit d’un engagement personnel et spontané des maisons de couture présentes à Londres, et non d’une contrainte qui leur serait imposée. Selon le BFC, cela traduit l’évolution du secteur mais aussi « les sentiments des consommateurs ». Quelques jours plus tôt, c’est la marque Burberry qui avait annoncé renoncer définitivement à l’usage de la fourrure pour ses prochaines collections.
D’autres marques et groupes témoignent eux aussi de leur adhésion au respect du bien-être animal, en s’attachant à mettre scrupuleusement en œuvre les nouvelles réglementations en vigueur. Dans une étude intitulée « La responsabilité sociale des entreprises du luxe » (Editions EMS, 2014), les auteurs relèvent que depuis 2003, « quelques grands groupes du secteur du luxe, (comme) LVMH (ou) L’Oréal (…), adhèrent au Pacte mondial des Nations Unies pour un développement économique responsable ».
« Le luxe peut et doit être compatible avec le développement durable, poursuivent les auteurs, (mais) seuls trois des quatre groupes français évalués (L’Oréal, Hermès et LVMH) obtiennent la meilleure note » attribuée par l’ONG WWF. L’étude cite également le cas, chez LVMH, de « Loewe Madrid, (qui) organise pour ses designers des ateliers de création responsable : au menu, nouvelles matières écologiques – grâce notamment à ‘Matière à penser’, le cahier de tendances éco-responsable par LVMH –, traçabilité ou recyclage de la fourrure, réutilisation des chutes de cuir, fabrication 0 kilomètre grâce au recours à des matières premières et des artisans espagnols ».
Une fausse fourrure pas vraiment écologique
Les élégantes en manteaux en fourrure de vison ou de lapin appartiendront-elles donc bientôt à un passé révolu ? Pas si sûr : de récentes études démontrent en effet que les matières premières animales, telles que la fourrure, sont renouvelables, à la différence des matières synthétiques ayant, in fine, un impact environnemental plus élevé. Ces études, menées avec l’aide d’experts externes, portent sur la fin de vie des produits et indiquent que la fourrure naturelle se dégrade plus rapidement que la fausse fourrure, entre quatre et dix ans, alors que son équivalent synthétique ne bénéficie d’aucune propriété de biodégradabilité.