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« La laideur est ennuyeuse. » Tel pourrait-être le slogan de Castel, illustre club de la rue Princesse, fondé en 1962 par Jean Castel. Mélinda Hélie, sa directrice générale en est la digne héritière et s’en explique : Castel reste un lieu festif et excentrique, où la liberté de s’amuser s’arrête là où débute l’inélégance du laisser-aller. Fidèle à cette exigence, Mélinda Hélie appartient à cette récente histoire qui renoue avec les grandes heures de la rue Princesse.
Relancé en 2014 par la volonté d’une nouvelle génération d’héritiers ou de fortunes des affaires, Castel, racheté à Philippe Fatien, ne se dépare pas de son historique façade à la discrétion ostentatoire. Elle intrigue les touristes qui s’interrogent en photographiant cette étrange devanture. Ils n’auront que peu de chance d’en fouler le seuil. On regarde mais on ne touche pas. Le luxe chez Castel est d’abord lié à l’exclusivité de son membership : la cooptation est de mise et nécessite deux parrains. C’est seulement une fois acquise l’étape de la cooptation que l’on pourra humblement s’acquitter d’une cotisation annuelle. Celle-ci permettra l’accès à un service de conciergerie privée et autres nécessités, mais surtout l’entrée régulière au club. Alors que fait-on derrière l’emblématique porte rouge ? S’offre la possibilité de siroter un exceptionnel cocktail dont Moh a le secret ou de dîner au Foyer, à la table du chef Erwan Gestin. La table chez Castel travaille les formes convenues du luxe en offrant aussi bien un exceptionnel caviar qu’une généreuse poêlé d’haricots verts, de belles langoustines que d’exceptionnelles frites en quantité. De même, de très respectables vins cohabitent avec de somptueux « incunables », Château Cheval Blanc ou Petrus. Ayant salué quelques membres amis, certains souhaiteront aussi se détendre au bar de l’Elite, où devisent les habitués sous une fresque de Jean-Philippe Delhomme reproduisant les plus illustres figures des lieux. D’autres retrouveront des connaissances dans les étages, dans le salon miroir ou le salon bibliothèque, ce dernier agrémenté d’une belle collection de livres érotiques
L’érotisme est comme un parfum lointain mais bien présent chez Castel, à la faveur d’un regard à la « moquéquette » et à la « pussy-carpet » (de jolis phallus stylisés agrémentent la moquette, auxquels répondent des vagins fleuris en goguette) : Wolinski, ancien habitué des lieux, n’est jamais très loin. Le luxe est ici mutin et sibyllin : Castel ne sacrifie pas au chic standardisé d’autres lieux de la nuit, dont l’atmosphère relève davantage d’une télé réalité. Il tente aujourd’hui de recréer son propre langage fantasque et élégant. De fait, on se divertit beaucoup chez Castel, à condition d’en posséder autant les codes qu’un langage qui, bien qu’écrit nulle part, est parlé par tous. Forts de cet habitus qui fait de l’élégance et de la fête leur incontournable tropisme, les membres de Castel aiment à danser au sous-sol de l’établissement, entre des colonnes noir et or, dans un décor signé André Saraïva aux côtés de stars très jet-set ou de figures plus inattendues et de tous âges. On en profite aussi pour échanger quelques cartes de visite, pendant que Mélinda Hélie salue les uns, badine avec les autres, ayant en mémoire leurs habitudes et leurs préférences. La mémoire est ici la meilleure des éruditions mondaines car le luxe c’est aussi cette éthique du care, du soin apporté à chacun et des petites attentions. Les membres apprécient. Désormais un prix littéraire dit « Prix Castel du Roman de la Nuit » confère à ce théâtre de la nuit une pointe de dandysme qui fait la différence entre une Oriane de Guermantes et une Odette de Crécy. Est-ce là une illusion ? Une prétention rendue légère par les bulles de Champagne ? Qu’importe, pourvu que l’on s’amuse.