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Quelques jours à peine depuis que la Wallace collection à Londres expose les créations du styliste espagnol Manolo Blahnik. Il passe, dans le monde des initiés, pour être le plus grand créateur de la chaussure de luxe, précédant les Jimmy Choo et les Christian Louboutin.
Aux sources de son inspiration, l’esthétique du XVIIIe siècle et son atmosphère : les scènes intimistes de Watteau, les pastorales de Boucher, les toiles suggestivement érotiques de Fragonard, le rococo de la Régence et la galanterie des Lumières. Comment mieux dire que la célèbre Wallace Collection devait combler, dès ses premiers jours à Londres, dans les années 1970, le jeune artiste fraîchement arrivé de Madrid ? L’on sait que Sir Richard Wallace hérite de son père, en 1870, une vaste collection de peintures dont vingt Boucher, neuf Watteau, dix-neuf Greuze, trois Fragonard, un Vigée-Lebrun ainsi que des Canaletto, des Guardi, des Gainsborough et des Reynolds. De l’aveu même de Manolo Blahnik, la Wallace Collection a toujours été son musée préféré, celui auprès duquel il a forgé sa manière. D’où les chausses sublimes dessinées pour Kirsten Dunst, la Marie-Antoinette de Sofia Coppola, en 2006, au sommet de la préciosité versaillaise. Leur nom ? Tout simplement Versailles. Elles sont ici exposées au pied du portrait de Madame de Pompadour par Boucher et non loin des Hasards Heureux de l’escarpolette (The Swing) de Fragonard. D’autres noms encore en référence à l’onirique des délices versaillaises entre luxe, préciosité, mode, sexe et pouvoir de l’argent : Pecado (2008), Strawberry (1995), Profuma (1996). Versailles encore décliné dans ses versions germanique (Sissi, 2012), slave (Zarina, 2015) voire perse (Parissa, 2016). Ambiance d’un opéra de Mozart également, entre Don Giovanni et Cosi fan tutte. L’atmosphère de la Régence à la française ou de la Commedia dell’Arte à l’italienne que l’on retrouve dans les volutes, les plumes, les pompons, les diamants et autres pierres fines, le thème des feuillages, des feuilles et des fleurs, les rubans, les velours et les satins, alliance de frivolité et de faste sans jamais de faute de goût.
Xavier Bray, conservateur de la Wallace Collection, a su fondre les souliers de Manolo Blahnik dans une scénographie qui les impose naturellement entre mobiliers rococo et peintures galantes. Résonnances parfaites. Une vraie fête galante, laquelle aidera à patienter jusqu’au mois de septembre 2019 où la première boutique française de Manolo Blahnik ouvrira enfin ses portes à Paris, au Palais Royal, non loin de Serge Lutens et de Didier Ludot. Patienter aussi jusqu’au mois de février 2020 où l’exposition Christian Louboutin se tiendra au Palais de la Porte dorée. Quand la chaussure devient objet de fétichisme et le chausseur objet de légende…
Bénédicte Sère