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Las du « puritanisme » et de l’atmosphère de plus en plus « rabat-joie », certains créateurs présents à la Paris Fashion Week ont dénoncé un contexte étouffant pour la création. Quitte à s’attirer l’inimitié de ceux qui disent promouvoir les droits des femmes et la diversité.
« Il y a cette posture tragiquement démago du politiquement correct, et par ailleurs une forme de tyrannie du premier degré. En bref, nous ne sommes plus trop dans la légèreté », déplorait Hedi Slimane dans une interview accordée à Vogue en août dernier.
Le styliste français, qui avait été qualifié d’« anti-féministe » ou encore de « Trump de la mode » à l’issue de son premier show pour Celine (ses modèles étaient jugées « trop sexy » et le casting « peu divers »), appelait à « résister créativement à cette forme déguisée de néoconservatisme ».
Son appel aura manifestement contribué à libérer la parole des célébrités présentes à la Paris Fashion Week. « Il devient impossible d’avoir un avis contraire à l’opinion générale (…). On me dit « c’est trop court, trop transparent ». Je hais ce nouveau puritanisme qui juge tout », a ainsi déclaré le créateur belge Anthony Vaccarello. Le directeur artistique de Saint Laurent a par ailleurs dit tout le mal qu’il pense de « la communication quota », qui prétend imposer un certain nombre de mannequins non blancs dans les défilés. « Le problème du racisme comme celui de la misogynie, c’est qu’il est dans l’œil de l’autre, en tout cas pas le mien », a lancé le styliste.
Depuis quelques années, le monde de la mode est la cible d’un nombre croissant d’attaques pour sexisme, racisme ou appropriation culturelle. Si bien que de plus en plus de marques de luxe décident de s’adjoindre les services d’experts en sciences humaines « capables de les aider à décrypter des codes culturels mouvants », comme l’expliquaient les Carnets. « Les marques montent des comités de « changemakers », des intellectuels, censés aiguiller les collaborateurs en matière de diversité, d’inclusion et de culture. Car les faux-pas peuvent arriver à tout moment », analyse le site.
La fronde de certains créateurs…
Même les créateurs les plus prestigieux en ont fait l’expérience. Stella McCartney ne s’attendait probablement pas aux nombreuses critiques qui l’accusaient de « s’approprier » les imprimés fleuris des vêtements traditionnels portés par les femmes africaines dans sa collection printemps-été 2018.
Les accusations de racisme ont également dû prendre de court la marque italienne Gucci, qui a dû retirer de la vente un pull passe-montagne noir dont l’ouverture au niveau de la bouche, ourlée de rouge, rappelait la tristement célèbre pratique du « blackface ».
Mais à Paris, en cet automne 2019, les créateurs et créatrices ne semblent plus prêts à se soumettre aux diktats de la mauvaise conscience. La maison Guy Laroche est allée jusqu’à célébrer la prostitution de luxe qui a « contribué au lustre de la France ».
…quand d’autres trouvent nécessaire de se battre pour le droit des femmes et des minorités
La maison a consacré sa collection à Madame Claude, la fameuse proxénète française qui dans les années 1960-1970 était à la tête d’un réseau de prostitution au service des dignitaires de différents gouvernements, des diplomates et des hauts fonctionnaires.
Et le mouvement #MeToo dans tout ça ? « Il ne faut pas mélanger les choses », explique Richard René, directeur artistique de Guy Laroche. « MeToo c’est sur des gens qui sont contraints, c’est de l’agression sexuelle. Ici ce sont des gens qui décident de vendre leurs corps, c’est un libre choix ».
Pas sûr que Maria Grazia Chiuri soit du même avis. La styliste italienne, directrice artistique de Dior et féministe assumée, a rendu hommage à Catherine Dior, sœur et muse de Christian Dior, qui a été résistante, torturée et déportée.
Le Français Olivier Rousteing, directeur artistique de la maison Balmain, et l’Indien Manish Arora, ont de leur côté insisté sur la nécessité de continuer à se battre pour les droits des femmes et des minorités sexuelles.
Quels que soient les bouleversements dans le monde de la mode, la polémique, elle, reste assurée.