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En 2025, les certitudes économiques du monde du luxe vont vaciller. Et l’intelligence artificielle va défier les frontières de la création humaine. Pour faire face à ces deux défis majeurs, l’industrie du luxe doit se tourner vers une stratégie ancienne mais toujours plus pertinente : l’artification. En fusionnant art et luxe, les grandes maisons cherchent à réaffirmer leur aura de créativité et de rareté. Mais au-delà de la beauté esthétique, quels sont les enjeux stratégiques de cette démarche en 2025 ?
L’artification : un levier garant de valeur et de rareté pour le luxe
Ces dernières années, la croissance dont a bénéficié l’industrie du luxe a eu un effet paradoxal. Car elle a aussi entraîné une prolifération des produits de luxe perçue comme une forme de démocratisation. Or, les consommateurs sont devenus de plus en plus exigeants, notamment avec l’avènement de la Gen Z. Ils souhaitent des articles uniques, qui incarnent l’exception, mais aussi une forme de pérennité. C’est là que l’artification du luxe entre en scène.
Cette année, la maison Louis Vuitton célèbre les 20 ans de sa collaboration avec l’artiste japonais Takashi Murakami. Au fil des années, la collaboration a donné lieu à plusieurs collections capsules en édition limitée. Autant d’articles qui n’ont pas seulement transcendé l’utilitaire pour devenir des pièces de collection à part entière. Mais qui ont aussi servi à consolider l’image de Louis Vuitton comme gardien d’un savoir-faire unique.
L’artification permet ainsi de rassurer une clientèle soucieuse de la valeur tangible et symbolique de ses acquisitions. Encore mieux, elle permet de tisser une relation de long terme qui aide à mieux fidéliser la clientèle de luxe. Or, la fidélisation sera encore un enjeu majeur en 2025. Car le ralentissement du marché mondial du luxe va entraîner une compétition accrue entre les marques.
Revaloriser la créativité humaine face à l’IA
L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle permet de générer des designs en quelques secondes. Et les marques de luxe se retrouvent donc face à un défi de taille : comment préserver la singularité humaine ?
En 2024, la maison espagnole Loewe a fait appel au studio de céramique japonais Suna Fujita. Le résultat ? Une collection originale pour laquelle Suna Fujita a imaginé tout un bestiaire décliné en storytelling sur les vêtements et accessoires. Un imaginaire teinté d’onirisme et de tendresse qui a suscité l’enthousiasme des clientes.
Cette collaboration réussie a bien illustré l’importance de la main de l’artiste qui imagine un univers riche. Et elle implique aussi l’intervention des artisans pour lui donner vie dans les collections. Un supplément d’âme 100% humain qui célèbre une émotion que les algorithmes ne peuvent pas répliquer. L’artification devient alors une riposte à la standardisation créative induite par l’IA.
2025 : les enjeux économiques autour de l’artification du luxe
Alors que le marché du luxe subit un ralentissement, les collaborations artistiques représentent une stratégie économique incontournable. Et il est vrai que de tels projets permettent de justifier des prix élevés. En effet, depuis la crise sanitaire, la stratégie de princing des power-houses du luxe a été largement revue à la hausse.
Pourtant, l’enjeu économique prioritaire ne se trouve pas autour du prix, mais bel et bien au niveau de la perception de la valeur. En 2024, la presse spécialisée a abondamment commenté la crise de perception de la valeur. La clientèle de luxe affiche une forme de défiance face à des articles de luxe qui ne sont plus les valeurs refuges qu’ils étaient par le passé.
Donc pour les maisons, il y a bien un enjeu à remettre en avant les vertus de la création et de l’artisanat. Certes, la clientèle de luxe continue d’avoir les moyens d’acheter des articles chers. Mais si la valeur perçue n’est pas au rendez-vous, alors cette clientèle exigeante portera son choix sur des maisons mieux à même de répondre à ses attentes. Comme la maison Hermès par exemple, dont les chiffres de vente de 2024 ont prouvé qu’elle était plus désirable que jamais.
Et la communication des marques, dans tout ça ?
Ne faut-il pas aussi voir dans la stratégie d’artification du luxe un moyen d’investir un nouveau canal de communication ?
Les consommateurs que nous sommes sont sur-sollicités par les messages médiatiques au quotidien. Et au lendemain de la crise sanitaire, les clients ont été clairs : ils voulaient retourner en boutique pour vivre des expériences bien réelles. Exit la mode du tout digital.
Or en adoptant le levier de l’artification, le luxe offre des expériences inédites à sa clientèle. En 2024, le groupe L’Oréal a proposé une des activations les plus originales : De toutes beautés. Il a signé un partenariat de médiation culturelle avec le musée du Louvre. Son thème : questionner la notion de beauté au fil des âges et des cultures.
Pour cela, L’Oréal a imaginé son propre parcours de découverte, accessible gratuitement pour tous les visiteurs du Louvre. L’occasion de se positionner sur un sujet de société en lien avec la beauté inclusive. Un thème difficile à défendre dans l’environnement souvent trop clivant des médias traditionnels. Or dans la sphère artistique, les maisons de luxe peuvent enfin bénéficier d’un espace de prise de parole qui résonne avec les attentes du public.
En 2025, ce type d’expérience de communication immersive devrait encore prendre de l’ampleur. Et les marques ont tout intérêt à s’adosser aux institutions culturelles pour offrir une vision renouvelée de leurs valeurs.