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Alors que 2019 s’apprête à tirer sa révérence, retour sur une année de Carnets en 12 mots et expressions clés.
Bad Buzz
Gucci en proie à la fronde des réseaux pour avoir mis en vente une pièce rappelant le blackface. La si exemplaire Stella McCartney accusée d’appropriation culturelle pour ne pas avoir signalé un « emprunt » à la culture africaine. En 2019, confrontées à l’activisme en ligne des social justice warriors, les marques du luxe ont dû se montrer plus attentives que jamais aux enjeux de représentation. Certaines se sont même dotées de conseillers anti-bad buzz censés déminer les crises en amont. Mais le phénomène de bashing et son importance croissante pour l’image des marques ont également suscité la colère de créateurs lassés par le puritanisme ambiant.
Cocorico
En 2019, plus que jamais, la France a dominé le luxe mondial. Un constat révélé par l’accession de Bernard Arnault au podium des hommes les plus riches du monde, mais qui concerne toute une industrie. Une enquête sur la politique d’embauche du CAC40 réalisée par l’hebdomadaire Marianne a montré que LVMH et Hermès figuraient parmi les plus gros créateurs d’emploi en France au cours des dix dernières années. Le luxe tire la croissance et l’emploi depuis plusieurs décennies. Au point que certains économistes commencent à se demander si ce fleuron national n’est pas en train de devenir un secteur de spécialisation. Comme l’automobile pour les Allemands ou la finance pour les Britanniques. Pour l’économiste Marc Touati, cette success story s’explique par « le poids de l’histoire, la culture, Paris, capitale de la mode », mais aussi par le recours à « des biens rares, des matériaux nobles, un savoir-faire d’exception et un marketing dynamique qui se renouvelle ».
Connecté
Le terme pourrait apparaître dans tous les abécédaires annuels sur l’industrie du luxe, avec pour synonyme tiraillement. Entre la volonté d’être en résonance avec l’époque et le risque de perdre son statut dans le foisonnement égalitaire d’images et d’envies, le luxe a toujours hésité. Mais cette année, les maisons ont franchi des pas importants dans la digitalisation, portées par les usages des millenials, notamment asiatiques, pour qui « consommer » du luxe est simple comme un clic. Alors que le montant des ventes par le canal digital devrait s’élever à 25% en 2025, le e-commerce n’est plus un gros mot. Sans pour autant délaisser les boutiques, les grandes marques, à l’image des fonds d’investissement, croient de plus en plus dans les start-up qui inventent les expériences de demain.
Fluide
En 2019, la mode s’est plus que jamais jouée des genres. Eclat des couleurs, délicatesse des matières, odes textiles au romantisme, choix de coupes et d’éléments plus volontiers associés à la mode féminine : cette année encore, les créateurs et créatrices ont accentué la tendance au brouillage des pistes. Les défilés mixtes se multiplient, comme ce fut le cas cet été à Paris pour Kenzo et AMI. Pendant ce temps, le maquillage pour hommes connaît un succès croissant. La preuve qu’il se passe quelque chose au royaume de la virilité.
Green
2019, année charnière pour la lutte contre le changement climatique. Avec Greta Thunberg désignée personne de l’année par Time, des discours de plus en plus alarmistes, des activistes déterminés, l’impact de la mode dans la transformation du globe est régulièrement pointé du doigt. Une préoccupation partagée par la plupart des maisons, qui ont toujours préféré le durable au jetable. Beaucoup tentent de modifier leurs procédés et font confiance à des créateurs concernés. Dans le même temps, le projet de loi sur les invendus et l’essor de la seconde main suscitent des inquiétudes. Comme dans tous les secteurs, l’équilibre reste à trouver entre défense de la planète et intérêts comptables.
Karl
Un simple prénom, avec un K comme Kaiser : l’une des plus grandes figures de la mode s’est éteinte en février à l’âge de 85 ans. Avec ses trente années passées à la création de Chanel, ses collaborations multiples, sa réputation d’être à la fois tyrannique et sensible, Lagerfeld était plus qu’un styliste : un personnage de l’époque. A présent que la faucheuse a mis à égalité les deux grands créateurs souvent présentés comme rivaux, c’est l’occasion de relire l’excellent Beautiful People d’Alicia Drake, biographie croisée Lagerfeld-Saint Laurent qui fait revivre l’une des périodes les plus glorieuses de la mode parisienne.