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Alors que la France évalue le coût du mouvement des gilets jaunes, un reportage du Monde attire l’attention sur la peur qui s’est emparée des habitants du quartier des Champs Elysées…
C’est « l’arbre qui cache la forêt », comme le résume bien Le Figaro. Certes, le mouvement des Gilets jaunes n’a coûté « que » 0,1 point de PIB à l’économie française au dernier trimestre de l’année 2018, mais ce chiffre « cache les situations de détresse à l’échelle locale ». A ce coût macroéconomique, il convient en effet d’ajouter une baisse de 20 à 30 % du chiffre d’affaires pour les commerces du quartier, des pertes d’environ 850 millions d’euros pour la restauration et les hôtels, quelque 46 millions d’euros pour rémunérer les forces de l’ordre, environ 71 millions d’euros pour la rénovation des radars et un coût pour l’ensemble des collectivités territoriales pouvant avoisiner les 30 millions d’euros. Sans oublier le coût humain pour les petites entreprises et les commerçants.
Mais il y a d’autres victimes dont on parle moins, peut-être parce qu’aux yeux de certains, il ne s’agit justement pas de victimes mais de bourreaux : les riverains des Champs Elysées. « C’était le chaos, l’anarchie, ils frappaient sur les poteaux, cassaient tout ce qui leur passait sous la main, ils étaient souvent très alcoolisés, certains avaient l’air possédés, comme s’il fallait détruire à tout prix. Notre quartier était devenue une ‘no-go-zone‘. Nous n’étions plus les bienvenus chez nous, plus en sécurité », se rappelle Didier, cadre commercial de 43 ans, locataire à deux pas de l’Étoile.
« On va faire brûler votre arrondissement »
Comme le montre un reportage du Monde, les habitants du seizième arrondissement de la capitale ont été confrontés à des scènes qu’ils s’étaient jusqu’ici contentés de voir à la télévision. Des voitures brûlées dans l’avenue Foch, des restaurants saccagés avenue de la Grande-Armée, des incendies de mobilier urbain… Pire : leur quartier n’était pas seulement le théâtre d’une violence incontrôlable, il en était la cible. « On va casser du riche », « On va faire danser la bourgeoisie », « Vous avez cherché la merde, vous l’avez eue ». Les habitants du seizième ont eu droit aux slogans les plus hostiles et même à une « lettre ouverte » lue par un gilet jaune face caméra : « On connaît vos adresses, on va faire brûler votre arrondissement ».
Une menace que personne n’aurait osé prendre à légère après ce que certains riverains avaient déjà vu. « Une colonne de fumée noire montait jusqu’à notre appartement, au huitième étage, on a cru être intoxiqué au monoxyde de carbone, l’odeur était insupportable, on a eu peur qu’ils mettent le feu à l’immeuble. On appelait les pompiers, mais ils étaient débordés. C’était la première fois qu’on assistait à des actes de vandalisme, on n’avait pas d’expérience », raconte Yves, chef d’entreprise à la retraite qui habite avenue Kléber.
Champs Elysées VS Gilets jaunes
Résultat : les habitants des Champs Elysées et plus généralement de l’ouest parisien ont cherché refuge. Le vendredi, ils laissent leur voiture dans le parking souterrain ou à la campagne. Ils font appel à des sociétés de sécurité privées et certains vont jusqu’à s’équiper d’une safe room, soit « une pièce sécurisée avec eau, nourriture et moyens de communication pour se replier en famille en cas de grabuge », précise Le Monde.
Face au chaos, certains préfèrent quitter Paris le week-end, se réfugier dans leurs maisons de campagne ou à l’hôtel. Selon les informations du quotidien, « le premier trimestre enregistre un boom de fréquentation sur la côte normande, mais aussi en Bretagne et dans les Hauts-de-France ». Les « exilés du week-end » deviennent une aubaine pour Deauville, Le Touquet, Trouville, Monfort-l’Amaury, Fontainebleau ou encore Forges-les-Eaux.
Mais pourquoi tant de haine ? Les habitants du seizième arrondissement parisien incarnent, aux yeux de nombreux Français, « cette France des possédants et des privilégiés », résume Le Monde.
Ce n’est pas toujours vrai, bien sûr. Mais en cet hiver 2018-2019, il fallait être téméraire pour essayer de l’expliquer à certains.