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A l’heure où Bernard Arnault, président du groupe LVMH, l’homme qui symbolise le mieux le triomphe du luxe français, est en passe de devenir l’homme le plus riche du monde, les analystes commencent à prendre la mesure d’une domination que personne (ou presque) n’avait vu venir.
Récemment, c’est Jean-Marc Sylvestre, le journaliste économique bien connu des téléspectateurs qui posait la question : mais où s’arrêteront LVMH et le luxe français ? Le rachat de Tiffany & Co par le groupe de Bernard Arnault est apparu comme un révélateur, non seulement de la puissance financière de LVMH, mais de tout un secteur qui apparaît désormais comme un fleuron national. « La seule politique industrielle que la France a réussi à développer ».
Les Américains ont le digital. Les Allemands l’automobile. A la France échoirait donc désormais le luxe. Le plus spectaculaire, c’est que tout cela s’est fait en une génération, alors que l’imaginaire national communiait dans le culte de l’industrie pompidolienne disparue. Un succès qui, de ce fait, ne serait pas reconnu à sa juste mesure. Jean-Marc Sylvestre y voit une autre explication dans le fait que les grands noms du secteur n’ont pas eu besoin du soutien de l’Etat pour engranger les succès.
On pourrait même aller plus loin : c’est quand l’Etat a mis un frein à sa politique industrielle et quand les frontières commerciales se sont ouvertes que le luxe français s’est mis à rayonner. On dit souvent de la mondialisation qu’en abolissant les distances, elle a exacerbé les différences nationales. Pour la France, l’ouverture des marchés aura coïncidé avec l’exportation de ce qui constitue une part de son identité. Un savoir-faire, un art de vivre.
Si la France n’incarne pas le luxe aux yeux du monde (ni Gucci ni Tiffany ne sont français), elle promeut à travers ses leaders une certaine vision du concept. Comme le fait remarquer l’économiste Jean-Noel Kapferer, l’essence de cette vision réside dans l’emploi du mot maison. « Le mot maison exprime une des facettes clés du luxe à la française : une marque de luxe au sens plein doit avoir une histoire, des racines géographiques et une filiation familiale qui porte les valeurs du fondateur » .
Pour l’économiste Marc Touati qui s’exprimait récemment dans les colonnes de Forbes, la France exerce une domination dans l’univers du luxe par « le poids de l’histoire, la culture, Paris, capitale de la mode », mais aussi car elle a recours à « des biens rares, des matériaux nobles, un savoir-faire d’exception et un marketing dynamique qui se renouvelle ». Ce qui explique bien sûr que le luxe soit devenu « une valeur refuge » lors des crises financières, car l’on sait que l’acquisition de produits de luxe sont des investissements rentables.
Pour l’économiste, les fleurons français du luxe sont « nos grandes success stories », malgré le déficit structurel de la France. A l’inverse du secteur digital, qui n’a pas encore été stabilisé et qui est toujours susceptible d’exploser, le secteur du luxe, notamment français, lui, se consolide durablement, et participe à un certain rayonnement de la France dans le monde.