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Le lot 1175 présenté à la vente par Sotheby’s le 13 novembre dernier à Genève a permis de replonger dans l’un des plus gros scandales qui secoua le XVIIIe siècle.
Ce collier, décrit à la vente comme un bijou du XVIIIe siècle historique et hautement important, permet de replonger dans l’histoire d’un collier et d’une rumeur prête à précipiter la chute de la reine Marie-Antoinette…
Enola
Duboscq
Le début du scandale
Tout commence à Versailles, où les fastes et le luxe attisent les ambitions du cardinal de Rohan, l’un des hommes les plus riches de France, prêt à tout pour se rapprocher du pouvoir. Son destin est scellé le jour où celui-ci croise la mystérieuse comtesse Jeanne de La Motte, qui se présente à lui comme la cousine de la reine Marie-Antoinette. Pour le cardinal, Jeanne devient son précieux ticket d’entrée à la Cour, tandis que pour elle, cet homme influent semble être bon crédule.
En réalité, tout débute lorsque les joailliers Boehmer et Bassenge créèrent un splendide collier de diamants, destiné à être offert par Louis XV à sa maîtresse, la comtesse du Barry. Toutefois, la mort du roi annula la transaction, laissant aux joailliers une pièce aussi somptueuse qu’invendable, ce qui leur valut de lourdes dettes. Dans l’espoir d’arranger leur situation, ils proposent le collier aux plus grandes cours d’Europe.
Ce fut sans succès, jusqu’à ce que les joailliers croisent à leur tour le chemin de Jeanne de La Motte. Cette dernière, se faisant toujours passer pour une proche de la reine, promet alors aux deux hommes d’user de son influence pour convaincre Marie-Antoinette d’acheter la précieuse parure.
Autour de cette alliance improbable et de ce collier d’exception, s’organise ce qui deviendra la plus grande arnaque du XVIIIᵉ siècle. Jeanne de La Motte persuade le cardinal de Rohan d’acheter le collier, en lui faisant croire qu’il s’agit d’une requête secrète de la reine elle-même. Le cardinal comprend que ce service rendu le rendrait indispensable aux yeux de la souveraine, ce qui lui permettrait de se hisser dans les hautes sphères du pouvoir qu’il convoitait tant.
Pour parfaire l’illusion, Jeanne fait fabriquer de fausses lettres portant la signature de la reine et orchestre une rencontre nocturne entre le cardinal et une prostituée, choisie pour sa ressemblance frappante avec Marie-Antoinette. Lors de cette fausse entrevue, la « reine » lui confirme son souhait d’acquérir le collier, et ils s’accordent sur les modalités de paiement.
La supercherie dévoilée
Rassuré et avide de pouvoir, le Cardinal achète le collier et le confie à Jeanne de La Motte. Mais lorsqu’il s’aperçoit que les remboursements promis par la reine ne viennent pas, il suspend ses paiements aux joailliers Boehmer et Bassenge. Ce sont les réclamations de ces derniers, exigeant leur dû, qui alertent finalement le couple royal sur la supercherie et provoquent l’éclatement du scandale le 15 août 1785.
Après le procès, Jeanne de La Motte est reconnue coupable et condamnée à la prison à perpétuité, prison dont elle parviendra à s’évader pour fuir jusqu’en Angleterre. Quant à Marie-Antoinette, bien que totalement innocente, elle subira les éclats de cette affaire, qui entache sa réputation à jamais et alimente les ressentiments qui la mèneront à l’échafaud en 1793.
Le collier, quant à lui, ne sera finalement jamais porté. Dépecé, ses pierres auraient été revendues en Europe, et surtout en Angleterre, à moindre prix pour être remontées sur d’autres bijoux.
Le collier d’Anglesey : un fragment de l’histoire de France ?
C’est sous les traits du lot 1175, lors de la vente du 13 novembre 2024, qu’un éclat de cette histoire ressurgit lorsque Sotheby’s présenta aux enchères un collier de diamants d’environ 300 carats, daté du XVIIIᵉ siècle, à la provenance incertaine mais fascinante. Ce collier aurait orné en 1937 le cou de Marjorie Paget, marquise d’Anglesey, lors du couronnement du roi George VI, puis celui de sa belle-fille lors du couronnement d’Élisabeth II en 1953.
L’histoire fabuleuse de cette extraordinaire pièce de joaillerie continue quand, en 2022, sont publiés en Angleterre les trois volumes du journal d’Henry Channon, célèbre chroniqueur de Londres, qui fait mention du collier de la famille Anglesey en le reliant au collier scandaleux de la reine Marie-Antoinette.
Cette attribution est toutefois nuancée par l’historien et écrivain Camille Pascal, annonçant que bien que le bijou présenté à la vente ne puisse être reconnu comme le collier de Marie-Antoinette, « [qu’il] ait été créé à partir de 640 diamants du collier de la reine en s’inspirant de son dessin original, c’est tout à fait possible. »
Quoi qu’il en soit, que les diamants du lot 1175 proviennent ou non du mythique bijou de la reine, le collier, estimé entre 1 600 000 et 2 200 000 francs suisses, a su trouver acquéreur pour 4 260 000 francs suisses et continuera de porter en lui le mystère d’un fragment d’histoire.
Illustrations:
(c) Paris Musée et Sotheby’s Jewels