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Le Royaume-Uni a quitté l’Union Européenne le 31 janvier dernier, à minuit. Après trois années d’incertitudes, les entreprises du luxe ne sont pourtant toujours pas rassurées. Les négociations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne s’annoncent houleuses, et certaines industries tricolores pourraient être touchées par les futurs frais de douanes et d’éventuelles formalités administratives contraignantes.
Sajid Javid, le Chancelier de l’Echiquier, avait déjà tranché : « Quelle que soit l’issue des négociations, les entreprises vont devoir s’adapter à la nouvelle donne. Nous ne ferons pas partie du marché commun de l’union douanière. » Les négociations post-Brexit qui s’ouvrent porteront sur les droits de douane, les modalités administratives, l’éventuelle mise en place de quotas d’importations… Autant de sujets qui détermineront l’avenir des échanges commerciaux entre la France et le Royaume-Uni, et qui intéressent particulièrement l’industrie du luxe.
Le Royaume-Uni, 6e marché pour les entreprises françaises
Les conséquences du Brexit inquiètent l’industrie du luxe des deux côtés de la Manche. Et pour cause : les relations économiques entre le Royaume-Uni et la France pèsent lourd. La France est le 7e fournisseur du Royaume-Uni, et son 6e client. L’excédent commercial de la France a même atteint les 12 milliards d’euros en 2019, dans ses échanges avec le voisin britannique. Et ces échanges sont notamment très favorables aux fabricants français de produits de luxe.
Ces liens commerciaux étroits se retrouvent au niveau de l’implantation des entreprises françaises outre-Manche. Elles sont 3000 à y être installées. Et pas moins de 30 000 entreprises tricolores exportent vers le Royaume-Uni. Pour l’instant, le statu quo demeure. Les entreprises françaises attendent de connaître les termes du futur accord commercial pour agir. Jean-Jacques Guiny, directeur financier du groupe LVMH, a confirmé qu’aucune disposition particulière n’avait encore été prise : « Nous n’avons pas engagé d’actions à court terme comme du stockage. »
Brexit : l’industrie du luxe chiffre le manque à gagner
En 2019, le Medef estimait la perte des entreprises françaises exportatrices à 3 milliards d’euros en cas de Brexit sans accord commercial. Même inquiétude côté anglais. En 2019, alors que l’échéance du Brexit restait encore incertaine, Walpole, le groupement en faveur de l’industrie du luxe britannique, avait publié des chiffres alarmants. Une étude révélait alors que les marques de luxe risquaient de perdre jusqu’à 7,9 milliards d’euros d’exportations annuelles à cause du Brexit, soit un cinquième de leurs exportations totales. Le secteur est particulièrement exposé : 80% de sa production est exportée, et l’Europe est son premier marché.
L’automobile britannique en perte de vitesse
Du côté des voitures de luxe britanniques, les inquiétudes sont grandes. La fabrication de véhicules a baissé de 14% au Royaume-Uni en 2019. Soit un recul total de 25% sur les trois dernières années. Le groupe de luxe Jaguar Land Rover a annoncé que sa production était au plus bas depuis dix ans. Et le groupe compte supprimer 4 500 postes pour amortir cette baisse.
Les effets du Brexit sont aussi décuplés par un contexte tendu sur le marché chinois. La Chine, qui représente un marché crucial pour les exportations de voitures de luxe britanniques, est actuellement touchée par un ralentissement économique qui freine les importations, et dont pâtit notamment Jaguar.
La beauté française, plus confiante
Côté français, les prévisions pour la beauté s’avèrent plus sereines. Patrick O’Quin, qui préside la Fédération des Entreprises françaises de la Beauté, a déclaré qu’il n’y avait « pas d’inquiétude en termes de marché« . L’industrie française des cosmétiques exporte pour 1 milliard d’euros de produits vers le Royaume-Uni. C’est un sixième du total de ses exportations. Et ce marché devrait rester stable.
La seule inconnue provient des futures conditions d’exportation. Mais là encore, Patrick O’Quin se veut confiant : « Nos adhérents vont devoir créer un bureau ou avoir une adresse sur place pour pouvoir exporter. La plupart l’ont déjà fait, car on le sait depuis trois ans. » Il ajoute même : « Nous sommes relativement confiants, car au-delà des difficultés administratives et douanières, nos entreprises exportent déjà vers Singapour et même le Rwanda. Elles sauront le faire vers le Royaume-Uni. »
Vins et joaillerie : les marchés à surveiller
Parmi les marchés du luxe, les vins et la joaillerie vont être particulièrement attentifs aux futurs accords commerciaux. Le Royaume-Uni représente en effet le troisième marché international pour les vins et spiritueux tricolores. Vins, champagnes et cognacs pourraient voir leurs droits de douanes augmenter d’ici l’année prochaine. Et même si cette catégorie de produits est par tradition peu sensible aux fluctuations des droits de douane, l’impact pourrait quand même se faire sentir sur le volume des exportations.
Autre inquiétude autour de la joaillerie. L’OEC (Observatory of Economic Complexity) souligne que la joaillerie pèse 3,7% dans les exportations françaises vers le Royaume-Uni. Des exportations essentiellement soutenues par les maisons de luxe.