|
|
Même pour le luxe, longtemps récalcitrant aux nouvelles technologies, la Fashion Tech est désormais incontournable. A tel point que le Comité Colbert vient de présenter une étude menée sur le sujet par le cabinet Bain & Company. Les enjeux ? Envisager les moyens de déployer les outils de Fashion Tech pour améliorer la relation client. Avec ces nouveaux leviers, la boutique de luxe promet de tendre vers toujours plus de personnalisation. Mais la vraie leçon, c’est surtout la place centrale de l’humain qui demeure comme un argument de vente primordial pour le luxe.
Le futur du luxe passe par le retail
Ce n’est pas vraiment une surprise, plutôt la confirmation d’une tendance déjà observée. L’étude de Bain & Company s’ouvre sur l’importance de la vente en retail pour les marques de luxe. « Post Covid, la boutique a retrouvé son statut de pierre angulaire de l’expression des Maisons, mais son rôle a évolué. » En effet, depuis la crise sanitaire et le boom spectaculaire de la vente en ligne, le retail a connu un véritable retour en grâce. Toutefois, avec la démocratisation du e-commerce, les attentes des clients ont évolué. La boutique se doit d’offrir une expérience enrichie : plus d’expériences uniques, plus de personnalisation, plus à l’écoute des besoins clients.
Et si les clients de luxe commencent leur parcours d’achat en amont sur le web, la boutique reste un point de contact crucial. Ils sont 43% à vouloir découvrir le produit et l’univers de la marque en boutique physique. Et ils sont 34% à apprécier le sentiment d’un traitement VIP qui vient avec l’expérience en boutique.
La Fashion Tech, au coeur de la nouvelle relation client
Les clients du luxe plébiscitent l’intégration de dispositifs de Fashion Tech pour fluidifier leur parcours. Mais cet engouement général ne doit pas masquer les contraintes liées à ce déploiement. Par exemple, le taux d’adhésion pour l’usage des nouvelles technologies n’est pas le même partout. En Asie, la clientèle affiche un intérêt élevé avec 81% d’adhésion. En France, ce taux ne dépasse pas les 66%, preuve d’une relative défiance.
De plus, 75% des clients souhaitent un déploiement des outils Fashion Tech alignés sur les standards du luxe. Ce qui implique des services performants et qui exclut surtout toute idée de self-service. Oui aux outils digitaux, mais à condition qu’un vendeur bien humain reste présent.
Vers un parcours client sans aucune friction ?
Quels sont les points sur lesquels la relation client pourrait être améliorée ? L’étude répond à cette question en lisant les moments les plus frustrants identifiés par les clients de luxe en boutique. A égalité, l’indisponibilité du produit arrive en tête avec le manque d’information sur le stock (28% chacun). Viennent ensuite les pratiques de vente jugées agressives (27%) et le manque de conseil personnalisé (25%). Enfin, les clients de luxe jugent sévèrement toute attente rencontrée lors de leur parcours d’achat. Qu’il s’agisse de l’attente avant l’essayage (23%), l’attente avant la disponibilité d’un vendeur (22%), l’attente en caisse (21%) ou même l’attente à l’extérieur de la boutique (16%). Contrairement à l’adage, l’attente ne favorise pas l’idéalisation mais plutôt la déception.
Mais la bonne nouvelle, c’est que la Fashion Tech vise justement à optimiser un certain nombres de process pour favoriser un parcours frictionless en magasin. L’étude souligne notamment l’importance des outils digitaux pour optimiser la partie stock et les solutions de paiement. « Des expérimentations sont en cours pour améliorer l’étape du paiement ou la localisation rapide de produits en boutique. »
La boutique de demain, déjà en place dans le luxe
Chez Christian Louboutin, les conseillers de vente disposent d’une application qui leur donne l’état des stocks en temps réel. Ils prennent moins de temps à chercher un article en réserve. Du temps en plus à passer dans l’accompagnement du client.
Du côté du groupe Kering, on fait confiance à l’expertise d’Apple, qui a développé une application dédiée. Elle permet notamment de préparer les rendez-vous en boutique en amont pour mieux personnaliser la sélection d’articles à présenter au client.
La maison Longchamp croit elle aussi au pouvoir de la data pour une relation toujours plus personnalisée. Son application intègre déja les données récoltées tout au long du parcours client, via la boutique et le service client. A terme, l’application incorporera aussi les données clients collectées à distance : historique d’achats, intéractions avec la marque, dates clés pour le client… Séverine Darbois, Client Experience et Retail é E-Commerce Director de Longchamp, explique le sens de cet effort. « J’ai confiance dans le pouvoir de la technologie invisible qui rend nos vendeurs plus rapides, efficaces, intelligents et sachants ; sans pour autant déshumaniser les interactions. »
Le nouvel art du clienteling
« L’enrichissement de la relation avec le vendeur est la priorité pour tous ». L’étude de Bain le rappelle à juste titre. Et d’ailleurs il s’agit d’un puissant levier de fidélisation et d’acquisition. En effet, une bonne relation avec le conseiller de vente est un facteur de promotion pour 61% des clients interrogés.
Le clienteling vise à donner une meilleure connaissance client au vendeur. Le but ? Pousser une offre produit toujours plus personnalisée. Et idéalement, elle doit prendre en compte l’historique d’achat du client. Mais en la matière, il demeure certains freins. Par exemple, la reconnaissance faciale testée en Chine facilite l’accès aux données personnelles des clients pour un service sur-mesure en boutique. Or, le déploiement de cette solution est inenvisageable en Europe, où elle ne rencontre pas l’adhésion des clients.
Une Fashion Tech performante au service d’une relation client réinventée : le jackpot pour l’image de marque
Certaines innovations de la Fashion Tech présentent l’avantage de cultiver l’image de marque tout en offrant plus de services personnalisés au client. C’est notamment le cas des solutions de réalité augmentée ou de réalité virtuelle. Par exemple, les miroirs connectés, déjà testés par Chanel dans son flagship parisien, favorisent la projection client. Mais ils offrent aussi un support de communication pour mettre en valeur les défilés de la marque, véritables marqueurs d’inspiration. Le client est ainsi immergé dans l’ADN de la marque, et l’expérience renforce la connivence entre la maison et le client.
La montée en gamme de la relation client : un investissement majeur pour le luxe
Toutefois, comme le souligne l’étude de Bain & Company, la Fashion Tech a un coût. « Ces expérimentations sont principalement menées par les maisons adossées à des groupes. » De plus, l’adoption de ces nouvelles technologies n’est pas sans poser question. « Un déploiement à plus grande échelle requiert une transformation profonde des maisons, bien au-delà de la boutique ». C’est donc toute la stratégie omnicanale des maisons qui doit s’aligner avec les nouvelles exigences des clients de luxe pour que la Fashion Tech tienne toutes ses promesses.