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Tandis que les répercussions économiques du Covid-19 pèsent encore sur l’industrie du luxe, les marques de luxe tentent déjà de définir la place de leur industrie dans « le monde d’après ». Car avec la crise profonde qui s’est installée, les marques sont plus que jamais en quête de sens. Surtout, elles doivent répondre aux injonctions du grand public et des consommateurs. Ces derniers réclament toujours plus d’engagements de la part des marques. Et si les marques engagées peuvent espérer tirer leur épingle du jeu, les marques de luxe prises en faute dans leurs stratégies de RSE risquent de graves répercussions économiques. Plus qu’une opportunité, la RSE est devenue un terrain glissant pour le luxe.
RSE et marques de luxe : les clients font entendre leur voix
Les marques de luxe ont une longue histoire en tant que mécènes artistiques. Toutefois leur engagement social est plus récent. Depuis une dizaine d’années maintenant, la question de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) s’est invitée dans la communication des marques de luxe. Aucune entreprise n’y échappe.
Les clients des marques de luxe, à l’instar des autres consommateurs, réclament plus de transparence de la part des marques. Ils s’expriment en faveur d’une consommation responsable, plébiscitent les projets vertueux… et n’hésitent pas à sanctionner les marques qui n’en font pas assez. Les campagnes de boycott des marques de luxe se multiplient. Alors qu’il y a encore vingt ans, seule la PETA s’en prenait aux marques pour leur usage de la fourrure, ce sont désormais les consommateurs qui initient des mouvements publics. Et ils s’intéressent à tous les sujets de société.
Exemple d’une RSE ratée : le cas Burberry
Parmi les marques de luxe visées par des campagnes de boycott, aucune n’a été aussi impactée que Burberry. En 2018, elle a soulevé l’indignation du grand public pour avoir brûlé pour plus de 28 millions de livres de produits invendus. Pour apaiser les esprits, Burberry avait renoncé à la destruction d’invendus, mis en place une nouvelle stratégie de réduction du gaspillage. Et elle avait renoncé à toute fourrure naturelle pour ses créations.
En janvier 2019, c’est au tour de la campagne pour le Nouvel An chinois de déclencher les foudres des clients. A cause de photos jugées irrespectueuses, la clientèle asiatique de Burberry a appelé au boycott de la marque. L’affaire a été rapidement étouffée par la marque qui a retiré les photographies d’Ethan James Green.
Un mois après seulement, Burberry a encore dû faire face à au scandale du sweat-shirt au nœud coulant. La marque avait présenté un sweat-shirt orné d’une corde à nœud autour du cou. Si l’accessoire était sensé évoquer l’univers marin, plusieurs observateurs y ont vu une référence maladroite au suicide. Là encore, Burberry a dû faire face à une levée de boucliers dans les médias. Une mauvaise publicité dont la marque de luxe se serait bien passée.
Environnement, consommation responsable, sujets de société : quels engagements RSE pour les marques de luxe ?
Il est loin le temps où le sujet le plus délicat pour les marques de luxe était de décider d’utiliser ou non de la fourrure animale dans leurs collections. Désormais, les réactions et les campagnes de boycott sur les réseaux sociaux prouvent que le public attend des prises de parole plus larges. Non seulement les marques doivent faire attention au message qu’elles transmettent, mais elles sont aussi sommées de s’engager dans une stratégie RSE de grande ampleur. Des questions comme la parité, l’inclusion, le racisme, le développement durable et la préservation de l’environnement sont devenues incontournables. Et le moindre faux pas est immédiatement sanctionné dans la sphère médiatique.
Quelles sont les conséquences économiques de ces campagnes publiques ? Difficile à dire. Mais sur certains marchés sensibles, les marques ne peuvent prendre aucun risque. En novembre 2018, quand Dolce & Gabbana a diffusé en Asie un spot jugé raciste, la marque a dû présenter des excuses publiques et annuler un défilé après avoir été boycottée par plusieurs plateformes e-commerce.
Le luxe prépare la bataille de la RSE
Les marques de luxe ne peuvent plus se permettre d’être prises par défaut sur les sujets de RSE. Elles amorcent actuellement un virage sociétal de grande ampleur. Leur stratégie ? Multiplier les initiatives et les partenariats aves des personnalités engagées et respectées. Et en la matière, la compétition fait rage, notamment entre Kering et LVMH.
Kering vient ainsi de nommer Emma Watson au poste d’administratrice du groupe. Connue pour ses prises de position en faveur des droits des femmes et de la mode durable, la jeune actrice apporte sa légitimité et sa notoriété au programme RSE du groupe Kering.
Avec cette nomination, Kering rattrape son retard sur LVMH. Ce dernier a multiplié les avancées en matière de RSE ces dernières années, particulièrement en faveur de l’inclusion. LVMH a nommé Virgil Abloh, un créateur afro-américain, à la tête des collections Hommes chez Louis Vuitton. Il a aussi lancé Fenty avec la chanteuse Rihanna. Il s’agit de la première marque de luxe originale du groupe créée par une femme noire. Et LVMH dispose encore d’un atout supplémentaire en la personne de Stella McCartney. La créatrice britannique, engagée depuis ses débuts en faveur de l’environnement, a rejoint le groupe LVMH en qualité de conseillère spéciale sur les questions de RSE.