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La Fashion Week de New-York referme ses portes aujourd’hui. Et les défilés des maisons de luxe américaines ont plus que jamais mis l’accent sur l’inclusion. Sur les podiums, la diversité est désormais le maître mot. Et cette nouvelle stratégie de représentation ne manque pas de susciter l’enthousiasme, dans la presse comme sur le web. Les maisons américaines ont à présent une longueur d’avance sur le sujet de l’inclusion dans les campagnes marketing. Les maisons de luxe françaises doivent-elles s’en inquiéter ? A mesure que les nouvelles générations de consommateurs plébiscitent des représentations plus diversifiées, les maisons tricolores ne risquent-elles pas de perdre du terrain ?
Tommy Hilfiger Factory : une leçon de diversité
Le 11 septembre, Tommy Hilfiger signait son grand retour sur ses terres. La marque proposait à nouveau une date de défilé pendant la Fashion Week de New-York, après trois années d’absence. Et pour son grand retour, la marque de luxe américaine a fait sensation avec un parti-pris en faveur de la diversité.
Sur le podium, les invités ont pu voir défiler un large panel de mannequins. Toutes les tailles, toutes les origines ethniques, tous les âges, des formes loin des conventions habituelles de la « taille mannequin ». La proposition a fait mouche. Et le défilé a été unanimement salué pour son parti-pris audacieux en faveur de la diversité. Dans la presse mode comme sur les réseaux sociaux, le choix des mannequins a assuré la visibilité du défilé Tommy Hilfiger.
Comment bien choisir ses mannequins en 2022 ?
La clé du succès du dernier défilé de Tommy Hilfiger s’explique par une stratégie d’inclusion bien pensée en amont. Et Tommy Hilfiger a choisi Michelle Lee comme cheffe d’orchestre de cette audacieuse stratégie d’inclusion.
La directrice de casting est bien connue dans le monde de la mode. Le magazine américain de référence Women’s Wear Daily la surnomme « la faiseuse de mannequins ». C’est elle qui caste les mannequins pour les défilés des maisons les plus prestigieuses. Et avec le dernier défilé Tommy Hilfiger, elle démontre tout l’enjeu d’une bonne sélection. Interviewée par Vogue US, Michelle Lee explique cette démarche. « En tant que directrice de casting, être capable de choisir différentes tailles, différentes âges, différentes ethnies, c’est tellement libérateur. On choisit juste des personnalités charismatiques capables de marcher sur un podium. »
S’agit-il d’une pure stratégie de communication ? Non. Tommy Hilfiger ne se contente pas de surfer sur un effet de mode. La marque américaine a engagé une réflexion plus large sur la présentation des collections. Exit la stricte division entre « womenswear » et « menswear ». La marque propose des vêtements « gender-inclusive ». Des articles mis en vente au moment même où le défilé était diffusé en ligne grâce à Roblox. Finalement, le coeur du discours de Tommy Hilfiger est clair et simple : la marque veut proposer des vêtements que tout le monde peut porter.
La diversité : nouvelle norme pour le luxe aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, les marques de luxe sont nombreuses à avoir adopté les codes d’une représentation inclusive dans leurs collections et leurs événements. Ralph Lauren a initié le mouvement des défilés et collections inclusives, notamment avec ses campagnes pour le Pride Month. Et la marque de lingerie Victoria’s Secret a fait de l’inclusion un de ses engagements pour rebâtir son image de marque.
En revanche, de notre côté de l’océan Atlantique, les marques de luxe restent plus frileuses sur le sujet de l’inclusion. Pour preuve : Michelle Lee a beau caster les mannequins de plusieurs grandes maisons françaises, aucune n’a à ce jour fait un coup d’éclat tel que celui de Tommy Hilfiger. Avec leurs mannequins encore très standardisés, les marques tricolores perdent même du terrain sur un sujet pourtant sensible pour les jeunes générations de consommateurs.
L’inclusion risque-t-elle de dégrader l’image des marques de luxe ?
Comment expliquer le manque de mobilisation des marques de luxe françaises sur le thème de l’inclusion ? Traditionnellement, le luxe ne prenait pas position sur les questions de société. La donne a changé avec l’avènement de nouvelles générations de consommateurs. Les sujets de RSE, et plus particulièrement la question de la représentation, intéressent désormais ces clients de luxe. Leur exigence vis-à-vis des marques ne se situe plus seulement sur le terrain de la qualité et de l’exclusivité. Ils attendent des marques qu’elles s’adressent directement à eux en intégrant à leurs discours les questionnements identitaires. Mais comment aligner un discours d’engagements sociaux avec les impératifs d’un positionnement premium ? Peut-on garder l’aura d’une marque de luxe en participant à un discours médiatique populaire ?
Ironiquement, les maisons tricolores sont parmi celles qui ont le mieux cerné cet enjeu au niveau de la zone Asie. Sur le marché chinois, les marques de luxe françaises multiplient les partenariats avec des égéries locales. Un levier intelligent pour mieux s’ancrer dans le paysage culturel chinois et tisser une relation durable avec les consommateurs. Cette stratégie exclusive s’explique aisément : les enjeux économiques sur le marché asiatique forcent les marques à faire plus d’efforts dans leur communication.
Peut-être est-il temps désormais de consentir les mêmes efforts auprès des consommateurs occidentaux ? Car Tommy Hilfiger vient de le prouver : l’engagement sociétal d’une marque de luxe peut devenir un levier de sa désirabilité.