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Depuis trois ans maintenant, Victoria’s Secret est dans la tourmente. La marque de lingerie est en pleine réinvention. Elle fait le pari d’une stratégie plus inclusive pour se relancer. Mais ce virage RSE sera-t-il suffisant ? Entre bonnes idées et bad buzz, Victoria’s Secret est devenue, malgré elle, l’exemple d’une mode à la croisée des chemins.
3 ans de tourmente et une renaissance difficile
« Le monde est en train de changer et nous avons mis trop de temps à réagir. » L’aveu de Martin Waters, l’actuel PDG de Victoria’s Secret, dans les colonnes du New York Times sonne comme un aveu d’échec. Bien avant que la crise sanitaire ne vienne fragiliser l’économie de la mode, la marque de lingerie rencontrait déjà de sévères difficultés. Démission de son ancienne PDG, Jan Singer, suite aux propos anti-inclusion de son directeur marketing en 2018. Baisse des ventes et manque de rentabilité. Critiques contre le manque de diversité des anges Victoria’s Secret. Les sujets n’ont pas manqué, et la marque de lingerie américaine a dû se résoudre à un changement radical.
2021 est l’année qui doit marquer la renaissance. Victoria’s Secret sera bientôt indépendante de sa maison mère, le groupe L. Brands. Cette émancipation est l’occasion d’un véritable rebranding. La marque de lingerie souhaite désormais se positionner sur le créneau de la diversité. Elle a même décidé de tirer un trait sur ses fameux « anges », qui avaient pourtant assuré sa notoriété.
L’inclusion par Victoria’s Secret
Le nouveau visage de Victoria’s Secret se veut plus respectueux, en faveur de la diversité et de l’inclusion. Le rebranding passe par une nouvelle génération d’égéries, ouvertement choisies pour porter ces nouvelles valeurs. La marque a déjà communiqué sur ses nouvelles muses. Elles sont rassemblées sous le concept de « VS Collective ». Le groupe se compose notamment de la championne du monde de football Megan Ropinoe, de l’actrice Priyanka Chopra Jonas, de l’influenceuse Paloma Elsesser, ou encore de l’activiste LGBTQ+ Valentina Sampiao. Leur point commun ? Des personnalités engagées… et déjà très médiatisées pour leurs engagements respectifs.
Ces voix en faveur de la diversité et de l’inclusion doivent apporter du crédit à la démarche de Victoria’s Secret. Mais pour l’instant l’initiative manque de traduction concrète dans la stratégie marketing de l’enseigne.
Le Body Positive : pas encore une réalité
De fait, malgré sa volonté de promouvoir l’inclusion, Victoria’s Secret a encore un long chemin à parcourir. La marque de lingerie a avancé trop lentement sur les sujets qui ont trait au Body Positive. Et elle en paye désormais le prix. Elle s’est fait dépasser par d’autres marques de lingerie ouvertement orientées sur le segment. C’est notamment le cas de Savage & Fenty, la marque lingerie de Rihanna. La jeune marque de lingerie est devenue l’exemple du renouveau de la lingerie premium grâce à son discours Body Positive, ses mannequins issus de la diversité et son offre adaptée.
De telles marques ont su capter les clientes en leur proposant… des articles de lingerie à leur taille ! Jusqu’à 2018, Victoria’s Secret ne proposait pas de taille de soutien-gorge au-delà du E. Depuis cette année seulement, la marque va jusqu’au G. En 2019, la marque a étendu ses maillots de bain à la taille L. Et depuis cette année, elle les propose en taille XL.
Ce changement de stratégie est plus nécessaire que jamais pour faire revenir les clientes. Pour le porter, la marque fait le choix d’une nouvelle équipe dirigeante. Sous l’impulsion de Martin Waters, Victoria’s Secret va se doter d’un conseil d’administration où tous les sièges, sauf un, seront occupés par des femmes. Autant de promesses qu’il faudra tenir pour légitimer le nouveau positionnement de la marque.
Un rebranding sur fond de crise de la lingerie mondiale
Si le rebranding de Victoria’s Secret en marque d’inclusion est si cruciale, c’est que le secteur de la lingerie va mal. Le mouvement #MeToo dénonçait son objectification du corps féminin. De nouveaux acteurs plus tendances captent les jeunes consommateurs autours de valeurs qui les fédèrent. Et la crise sanitaire a encore aggravé la situation. Si au global le luxe mondial rebondit bien, ce n’est pas le cas du segment lingerie.
Le baromètre Kantar pour le premier trimestre 2021 montre le manque de résilience de la lingerie. En France, le segment a enregistré +19% de ventes par rapport à 2020. Mais il est encore à -27% comparé à 2019. Pour les analystes Kantar, la lingerie fait face à une refonte en profondeur des habitudes de consommation. L’analyse pointe « une volonté de déconsommation sur fond de tendance No Bra ». Dans un telle contexte, Victoria’s Secret doit réussir coûte que coûte le pari de son rebranding. Et les leçons tirées de ce virage RSE ne manqueront pas d’intéresser d’autres marques en pleine crise de sens.