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Jusqu’au 13 mai 2024, la Galerie Dior propose une nouvelle exposition.
En mars 2022, la maison Dior avait créé la surprise en ouvrant, rue Montaigne, dans l’hôtel particulier du grand créateur, un nouveau musée de la mode à Paris. Dans cette bâtisse qui avait accueilli la marque à ses débuts, Nathalie Crinière proposait une scénographie liée à l’histoire de la maison de couture dans ce qu’elle avait produit de plus remarquable. Les robes, par l’esthétisme dont elles étaient porteuses, dépassaient le simple rôle de témoin d’une aventure créatrice du XXème et XXIème siècle pour s’inscrire dans une temporalité plus longue avec, par exemple, la présence de divinités grecques ou latines. L’exposition d’aujourd’hui se recentre sur l’époque et donne à voir les liens qui unissent Dior et les femmes.
À l’heure où nombre de féministes rejettent les idées de Simone de Beauvoir, la mode associée au luxe semble pouvoir devenir un vecteur de la cause des femmes. L’affichage dans ce lieu sacré de la mode du slogan de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozie Adichie « We should all be feminists », déjà imprimé sur un T-Shirt Dior, le suggère en tout cas. C’est Maria Grazia Chiuri, directrice artistique des lignes femme, qui réussit cette prouesse d’allier mode et émancipation des femmes. Ses talents sont largement reconnus. Les membres du jury Neimann Marcus, essentiellement composé de femmes, viennent de lui décerner le même prix que celui que Christian Dior avait obtenu en 1947. Ils récompensent ainsi son approche visionnaire créatrice et transformative impactant le marché.
Cette styliste, première femme à occuper un poste d’une telle importance chez Dior, est arrivée dans cette maison célèbre en 2017, après des études à l’instituto Europeo di Design de Rome et un bref passage chez Fendi, puis un véritable début de carrière chez Valentino. Son savoir-faire, tant artistique qu’entrepreneurial, lui permet de rester dans le droit fil du créateur de la marque. Christain Dior fréquentait les artistes –il avait même ouvert avant son entrée dans la mode deux galeries de peinture– et il mettait sa dextérité au service des femmes. Maria Grazia Chiuri est en cela sa digne héritière.
La nouvelle scénographie permet de revoir les 77 ans d’histoire de la marque à travers les nombreuses femmes, muses de Christian Dior, qui, telle Mitzah Bricard, ont stimulé sa créativité. Cette nouvelle scénographie met également à l’honneur les artistes femmes qui, à un moment de leur vie ou un autre, ont rencontré la maison Dior. Par exemple, Niki de Saint Phalle, mannequin en 1954 et collaboratrice assidue par la suite, est spécialement honorée. Une salle entière est dédiée à cette femme engagée. On peut y voir des robes, des accessoires aux motifs reconnaissables et des dessins directement inspirés de “Tu Es Mon Dragon“, “Strength“ et “Foulard Zodiaque“. La féministe Judy Chicago est également représentée et sa bannière « Would God Be Female » se déploie à l’entrée d’une salle. Elina Chauvet, connue pour sa lutte contre les féminicides, est aussi présente au travers d’une nouvelle installation, ensemble de toiles blanches aux motifs rouges brodés ou cousus. Bien d’autres plasticiennes trouvent leur place. Les photographes aussi jouent un grand rôle, certaines témoignant, d’autres, comme Katerina Jebb avec son procédé de scanographie, participant de la magie du lieu.
Reprenant une idée de Leonor Fini, artiste contemporaine de Christian Dior dont l’exposition présente une œuvre, Maria Grazia Chiuri affirme qu’une personne « doit toujours se réinventer comme une représentation de toutes les réalités possibles ». Par cette exposition, elle nous montre que la mode permet de faire de l’engagement militant une de ces réalités possibles, sans fermer la porte, à travers le rêve suscité cher à Christian Dior, à d’autres réalités, voire, pour les femmes esthètes, à l’évasion de leur assignation sexuelle.