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Les artistes contemporains restent audacieux et culottés. Les investisseurs parisiens, eux, approuvent.
C’était le 8 décembre dernier, lors de la grande foire d’art contemporain Art Basel de Miami. Une (vraie) banane, jaune et vraisemblablement sucrée, accrochée à un mur par un morceau de scotch gris s’est vendue 150 000 dollars (environ 135 000 euros). Baptisée « Le Comédien », l’œuvre est signée Maurizio Cattelan, un artiste italien qui l’avait déjà vendue à deux reprises pour 120 000 dollars (108 000 euros).
Provocant, scandaleux, drôle… Le coup d’éclat du galeriste français Emmanuel Perroti réunit tous les ingrédients dont le monde de l’art raffole. Mais il prouve également que la création contemporaine conserve intacte sa capacité de bousculer les traditions, ébranler les certitudes et faire réfléchir.
Un rappel bienvenu alors que les ventes ont été timides cette année. Selon les chiffres du cabinet d’analyse du marché ArtTactic, cité par Le Monde, le volume des ventes aux enchères d’art impressionniste, moderne et contemporain à New York, baromètre habituel du marché, a chuté de plus de 30 % en novembre 2019 par rapport à 2018. Le Brexit, les troubles politiques à Hongkong et le processus de destitution de Donald Trump seraient à l’origine de cette baisse.
Mais, comme le montre fort bien l’exploit de l’Italien Maurizio Cattelan, le marché reste résilient. Et si les résultats de la place new-yorkaise sont en demi-teinte, ceux de la place parisienne autorisent un optimisme raisonnable.
Le secteur des ventes aux enchères s’y porte particulièrement bien. En totalisant 354,4 millions d’euros, soit un chiffre en progression de 41 % par rapport à 2018, Sotheby’s conforte sa première place sur le marché français et contribue à l’impressionnante croissance du secteur.
« On y vend aussi bien qu’à Londres ou à New York »
La vente de la collection personnelle du célèbre duo d’artistes plasticiens français Claude (1925-2019) et François-Xavier (1927-2008) Lalanne – 91,1 millions d’euros – comptent pour un quart du résultat final de la maison. « Nous sommes fiers d’avoir atteint le plus haut montant pour une vente jamais organisée chez Sotheby’s à Paris », a déclaré Mario Tavella, PDG de Sotheby’s France.
Moins insolents, les résultats sont tout de même encourageants du côté de Christie’s. Avec 256,7 millions d’euros, la maison enregistre une hausse de 9,5 % par rapport à 2018. Soit son second meilleur résultat depuis la vente des collections Pierre Bergé et Yves Saint Laurent en 2009.
La maison a en outre accueilli des clients provenant de 62 pays, « ce qui montre l’importance de la place de Paris sur l’échiquier mondial. On y vend aussi bien qu’à Londres ou New York », se félicite Le Figaro.
Le troisième acteur du secteur, Artcurial, enregistre quant à lui un taux de croissance de 4 %, à 203,1 millions d’euros. Un résultat qui lui permet de poursuivre son implantation en province. Après Bordeaux, Toulouse et Strasbourg, le maillage de la maison devrait se renforce en 2020 avec Lyon, Marseille et le nord de la France, a expliqué François Tajan, président délégué de la maison.
Les « petites » maisons affichent également de très bons chiffres : 66 millions d’euros pour Aguttes, 47 millions pour Millon, 40,8 millions pour Tajan ou encore 31,5 millions pour Piasa. Des résultats qui ne doivent pas faire oublier les succès régionaux, notamment chez Actéon, à Senlis, qui s’est adjugé l’œuvre la plus chère de l’année en France, un panneau de Cimabue datant du XIVe siècle et vendu en octobre pour 24 millions d’euros.
Bref, l’art contemporain n’a pas fini de faire parler de lui. Ceux que la banane achetée et aussitôt mangée à Miami auraient laissé sceptiques n’ont qu’à regarder les chiffres des maisons d’enchères parisiennes pour s’en convaincre.