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Si le succès des écoles traditionnelles de mode ne se dément pas auprès des étudiants, de nouveaux formats, comme les master class, révolutionnent l’enseignement de la discipline.
Quelles formations pour évoluer dans le secteur du luxe ?, se demandait la rédaction des Carnets en février dernier. Sans nécessairement viser le seul secteur du luxe, de plus en plus d’étudiants sont attirés par les formations dédiées à la mode sous tous ses aspects. Un choix cornélien, tant les écoles sont nombreuses et leur catalogue de formations fourni. De plus, « on demande beaucoup trop aux jeunes diplômés. Il faudrait qu’ils soient à la fois modéliste, ambassadeur, homme d’affaires », estime Jean-Paul Gaultier auprès du journal L’Etudiant.
De nombreuses écoles aux formations diversifiées
Comment s’y retrouver dans la jungle des formations ? Pour aider les étudiants à consolider leur projet professionnel, le magazine L’Express tente un classement des écoles selon les compétences qu’elles enseignent à leurs élèves. A commencer par les écoles « créatives », comme le célèbre et sélectif Studio Berçot, « une institution (…) réputée pour sa créativité » et son réseau d’anciens élèves. Ou encore l’Atelier Chardon-Savard, qui s’est « bâti une solide notoriété comme ‘révélateur de personnalités’ ».
Viennent ensuite les formations « conceptuelles », comme l’Ecole Duperré, particulièrement renommée et dont l’entrée est réputée difficile. Ses élèves, qui sont peu nombreux à vouloir devenir styliste, s’orientent ensuite majoritairement vers une licence professionnelle ou un diplôme supérieur d’arts appliqués à l’Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle, dite « les Ateliers ») ou l’Ensad (Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, ou « Arts déco »).
Enfin, certaines formations se concentrent sur « l’excellence technique », comme l’ECSCP (Ecole de la chambre syndicale de la couture parisienne), créée en 1927 par les maisons de haute couture, ou Esmod, qui « convient aux jeunes qui veulent être irréprochables sur le plan technique ». Quant à l’IFM (Institut français de la mode) et à la Maison Mode Méditerranée – dont la co-directrice, Aurélia Vigouroux, nous avait accordé un entretien en juillet dernier –, elles misent davantage sur l’aspect business de la mode et forment les futurs managers du secteur.
Le boom des master class
Ces écoles et formations, aussi élitistes que perfectionnistes, ne s’écartent cependant pas du modèle traditionnel d’enseignement, avec des cours magistraux, un professeur qui transmet son savoir et des élèves qui l’écoutent et retranscrivent religieusement ses enseignements. Pas très 2.0, donc. Mais depuis quelques années, un nouveau format d’enseignement bouscule le secteur : les master class, ces entretiens en public entre un expert dans son domaine et, parfois, un journaliste ou modérateur ; les participants, bien souvent des étudiants, étant encouragés à engager la discussion avec le professionnel à l’issue de sa leçon. Un format particulièrement adapté à la mode.
Pionnière sur ce créneau, l’entreprise américaine MasterClass a popularisé ce type de formations, en invitant sur sa plateforme pédagogique des « professeurs » de cinéma aussi réputés que Martin Scorsese, Dan Brown ou Spike Lee. Les aspirants stylistes, peuvent, quant à eux, bénéficier des enseignements de Marc Jacobs, l’iconique ancien directeur de la création de Louis Vuitton. Au cours de 18 leçons en ligne, le créateur livre ses conseils sur l’inspiration, la création, les techniques, les dessins ou encore le choix des matières. Les internautes peuvent aussi télécharger un cahier d’exercices avec devoirs et résumés des cours. Enfin, plusieurs sessions permettent à Marc Jacobs de répondre aux questions précises des étudiants.
Pour 100 dollars le cours – ou 200 dollars l’accès illimité à tous les enseignements du site –, les étudiants et fashionista peuvent également suivre la master class dispensée par la créatrice Diane von Fürstenberg, intitulée « construire une marque de mode ». En France, le succès de MasterClass a inspiré la plateforme The Artist Academy, qui propose de son côté des cours avec la créatrice Chantal Thomas, qui en 16 leçons « vous livre ses secrets pour trouver l’inspiration, assumer votre style et créer votre propre collection ». La formule « Premium », à 499 euros, permet même de rencontrer la styliste et de participer à un concours dont les lauréats gagneront une journée de coaching avec Chantal Thomas.
Les master class, trait d’union entre digital et aspect humain
Depuis trois ans, le magazine Vogue Paris organise lui aussi ses master class, payantes et ouvertes à tous. Des événement qui ont déjà reçu la visite du directeur artistique de Balenciaga Demna Gvasalia, du président de Kering François-Henri Pinault, de Karl Lagerfeld ou d’Albert Elbaz. « A la différence d’une conférence, la master class est hyper-pragmatique, explique aux Echos Delphine Royant, éditrice de Vogue. Les intervenants doivent partager leur expérience en toute transparence, expliquer très concrètement, exemples à l’appui, comment ils ont réussi, quels ont été leurs échecs, quel est leur quotidien aussi ».
« Les marques de mode tiennent une place essentielle dans cette professionnalisation, estime pour Le Figaro Pascal Morand, président exécutif de la Fédération de la haute couture et de la mode. Nous sommes aujourd’hui dans l’économie de la connaissance et les master class représentent une manière de se diversifier, d’enrichir le contenu de leurs activités et des informations qu’elles transmettent, tout en donnant une plus grande place à l’incarnation. » « Les nouvelles générations sont en demande de ce genre d’expérience, poursuit la fondatrice de Tagwalk (le ‘Google de la mode’). Les Millennials ont besoin de comprendre l’univers de la tech et cela passe par les relations physiques. Quand ils se déplacent pour assister à une master class, ils laissent leur smartphone dans leur sac. » Ou comment les outils digitaux favorisent, in fine, la rencontre humaine entre élèves et professeurs.