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La Fondation Louis Vuitton expose jusqu’au 17 juin cent-dix toiles des plus grands maîtres de l’impressionnisme, issues de la collection de l’industriel anglais Samuel Courtauld. L’occasion, rare, d’admirer des peintures aussi mondialement connues que, d’habitude, jalousement conservées dans la Courtauld Gallery de Londres.
Un événement : après la légendaire collection de Sergueï Chtchoukine et la consécration de l’exposition dédiée à Egon Schiele et Jean-Michel Basquiat, la Fondation Louis Vuitton met à l’honneur, depuis le 20 février, l’incroyable collection Courtauld. Intitulée « Le parti de l’impressionnisme », l’exposition permet d’admirer une centaine de chefs d’oeuvre, emblématiques de l’histoire de l’art de la fin du XIXe au début du XXe siècle : le mondialement connu Bar aux Folies-Bergère de Manet (1882), Nevermore de Gauguin (1897), La Loge de Renoir (1874), La femme se poudrant de Seurat (1889), ou encore le célébrissime Autoportrait à l’oreille bandée de Van Gogh (1889), etc.
Radicalité
Né en France, l’industriel britannique Samuel Courtauld (1876-1947) fait fortune dans la soie, puis dans le textile, tout en se lançant dans l’acquisition frénétique de toiles de grands maîtres de l’impressionnisme, alors boudés par les Français. Homme d’affaires avisé, il s’impose rapidement, à l’aide du critique d’art Roger Fry et du galeriste Percy Moore Turner, comme l’un des plus importants mécènes et collectionneurs de son temps. En moins de dix ans (1922-1929), Courtauld accumule ainsi pas moins de trois Manet, trois Monet, deux Degat, deux Sisley, huit Cézanne, trois Renoir, trois Gauguin, deux Van Gogh, cinq Seurat et un Modigliani.
« Quand le couple Courtauld a commencé cette aventure, l’impressionnisme français n’était pas reconnu », explique au Quotidien de l’Art Suzanne Pagé, la directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton. Pour la conservatrice de la Courtauld Gallery, Karen Serres, « le but de cette exposition est de montrer ce que cette collection avait de radical à l’époque où elle fut constituée, alors que l’impressionnisme est aujourd’hui perçu comme le symbole de l’art conventionnel. La confrontation avec l’architecture moderne et novatrice de la Fondation Louis Vuitton lui donne une nouvelle dynamique, rappelle cette radicalité ».
Continuité historique
Unique par l’ampleur et la qualité des œuvres, l’exposition témoigne également d’un moment particulier de l’histoire de l’art, lorsque de riches collectionneurs privés se sont peu à peu substitués aux obtentions publiques, le mécénat permettant aux avant-gardes artistiques, dont les œuvres étaient parfois rejetées des salons classiques, de gagner un public et une légitimité. L’avant-garde, c’est aussi le pari de la Fondation Louis Vuitton, qui après la double exposition Basquiat-Schiele, présente à l’étage du bâtiment imaginé par l’architecte Frank Gehry sa propre sélection d’oeuvres contemporaines, intitulée « Le parti de la peinture ». Ou comment souligner la continuité historique entre précurseurs de la peinture…
Une continuité historique qui a présidé au parcours de l’exposition, les six salles proposant une déambulation cohérente et chronologique, partant du Réalisme jusqu’aux Fauves, en passant par les toiles des Impressionnistes et des Post-impressionnistes menés par Georges Seurat. Une autre salle est réservée aux dessins et esquisses, dont certains de Picasso et de Matisse, et des lettres manuscrites entre peintres impressionnistes témoignent enfin de l’émulation qui existait entre les artistes de cette époque.
Iconique
A sa mort, Samuel Courtauld lègue l’ensemble de sa collection au musée qui porte son nom, la Courtauld Gallery. Sans doute « le joyau le plus caché de Londres », selon Karen Serres, qui reconnaît que si « la collection Courtauld est d’une immense qualité, (…) peu de gens nous connaissent ». « Exposer à la Fondation Louis Vuitton nous a paru logique, poursuit la conservatrice. Les expositions de grandes collections qu’elle a déjà accueillies nous ont mis en confiance », d’autant plus que certaines œuvres, particulièrement fragiles, n’étaient pas sorties de la galerie londonienne depuis plusieurs dizaines d’années.
Une raison de plus de se précipiter sans attendre pour admirer ces chefs d’oeuvre hors de leur écrin londonien, en travaux jusqu’en 2021, et dont la conservatrice assure ne jamais prêter certaines toiles tellement elles sont « iconiques ».
« La collection Courtauld, le parti de l’impressionnisme », Fondation Louis Vuitton (Paris 16e arrondissement), du 20 février au 17 juin. Entre 5 et 16 euros. Ouvert de 11 heures à 20 heures (10 heures le week-end, jusqu’à 21 heures le vendredi), fermé le mardi.