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La capitale française s’impose comme l’épicentre des défilés-spectacles, durant lesquels la mise en scène compte tout autant, sinon davantage, que les dernières collections présentées sur les podiums. La Fashion Week parisienne de septembre 2018 n’a pas dérogé à cette tradition.
Paris fait son show. Depuis plusieurs années, lors des Fashion Week la capitale française s’impose à chaque fois davantage comme « la » référence absolue en matière de show grandioses. Une tendance qui remonte aux années 1990, à partir desquelles les grandes maisons de couture ont commencé à rivaliser d’idées pour offrir à leurs invités, triés sur le volet, un spectacle hors norme, dont le Tout-Paris bruisse instantanément…
A tout seigneur tout honneur, la palme des défilés-spectacles revient sans aucun doute à Karl Lagerfeld. Depuis de nombreuses saisons, le défilé Chanel se tient sous l’impressionnante verrière du Grand Palais. Une tradition à laquelle le styliste n’a pas dérogé lors de son dernier défilé printemps-été 2019, où les mannequins, pieds nus, marchaient sur du sable blanc, frôlant des vagues factices générées par un système de pistons invisibles… Les années précédentes, Karl Lagerfeld avait même fait reproduire au Grand Palais une banquise, une forêt plus vraie que nature, ou encore un catwalk imitant un immense data center.
Dior dévoile son ballet
Cet automne cependant, c’est bien le défilé orchestré par Maria Grazia Chiuri pour Christian Dior qui a fait l’évènement. Un show inspiré, de bout en bout, par l’univers de la danse. Dans le cadre somptueux de l’Hippodrome de Longchamp, les invités de la maison phare de LVMH ont pu découvrir un mur constellé de citations des grands noms de la danse : « Danse, danse, otherwise you are lost », de Pina Bausch, ou encore « The most important thing is to enjoy dancing. And research inside your body, feel free – we are perfect as we are », de Sharon Eyal.
C’est justement cette chorégraphe israélienne qui a créé la performance incarnée par la petite dizaine de danseurs qui ont, tout au long du défilé et sous une pluie de pétales de fleurs, accompagné les « vrais » mannequins arborant les dernières créations de Christian Dior. Un ballet aussi féérique que saccadé, où le tulle, évidemment, le disputait à la résille. « C’est un rêve qui se réalise de créer cette performance pour Dior, a confié Sharon Eyal au magazine Vogue. C’est avant tout une expérience qui se ressent ».
Du Palace à la tour Eiffel, Paris en met plein les yeux
Autre lieu, autre marque, mais toujours le spectacle avant tout. Gucci, qui défilait pour une unique saison à Paris, a cette année investi le Palace, la mythique boite de nuit des années 1980, où se sont déhanchés en leur temps les Yves Saint Laurent, Mick Jagger, Grace Jones et autres Karl Lagerfeld. « J’aime l’idée que ce lieu garde les souvenirs de différents écosystèmes de la vie parisienne, a confié le designer Alessandro Michele à la fin du show. Je ne voulais pas d’un endroit qui incarne la ‘grandeur française’. J’aime le théâtre, cet espace magique où tout peut arriver, on y est à l’abri du chaos du monde, le temps est suspendu ». Les quelques privilégiés qui assistaient au défilé ont même eu la surprise de voir Jane Birkin interpréter une de ses chansons sur le podium…
A Paris, le spectacle était aussi sur le podium du premier défilé Celine par Hedi Slimane, en ouverture duquel un tambour de la garde républicaine précédait le dévoilement d’un miroir géant, véritable kaléidoscope psychédélique dévoilant la tant attendue première création de l’enfant star de la mode. Ou encore chez Saint Laurent, dont le défilé avait pris place au pied de la tour Eiffel : les mannequins défilaient sur un podium nappé d’eau, sous l’ombre protectrice de (faux) palmiers… Dépaysement garanti.
Où s’arrêtera cette quête de show plus spectaculaires les uns que les autres ? Alexandre de Betak, à la tête du Bureau Betak, et qui a déjà contribué à réaliser plus de mille défilés-spectacles, s’imaginerait très bien faire défiler les mannequins du XXIe siècle…sur la Lune. Si une telle perspective n’est assurément pas pour demain, gageons que les maisons de couture continueront de rivaliser d’ingéniosité et de poésie pour leurs défilés, afin de « créer une émotion qui aide à s’en souvenir. Il faut toucher les gens de l’intérieur. Ce ressenti doit être basé sur la création d’un environnement dont chaque élément est inspiré de la collection et de l’histoire de la maison. Un défilé réussi est un défi créatif et artistique (…). Le défilé doit servir l’ADN du client et le brief momentané des vêtements présentés », conclut Alexandre de Betak pour le magazine Antidote.