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Le dramatique incendie de Notre-Dame de Paris suscite une émotion mondiale, remettant au goût du jour celui qui, déjà en 1830, alertait dans son roman éponyme sur l’état de délabrement de l’édifice : Victor Hugo. Les grands groupes du secteur du luxe ont été les premiers à se manifester pour participer à la reconstruction de la cathédrale, alors que la maison d’exil de l’écrivain, à Guernesey, vient de rouvrir ses portes au public.
« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église, ce qu’ils voyaient était extraordinaire, sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse, dont le vent emportait par moment un lambeau dans la fumée » : étrangement prophétique, cet extrait du roman Notre-Dame de Paris, achevé par Victor Hugo en janvier 1831, résonne près de deux siècles plus tard avec une triste acuité.
Un roman prémonitoire
Lors de sa première parution, le roman du plus célèbre des écrivains français de son temps avait déjà attiré l’attention des Français sur l’état de délabrement de la cathédrale. L’ouvrage, alors vendu pour la somme de 1 franc, avait conduit au lancement en 1843 d’un chantier de restauration, mené par l’architecte « star » de l’époque, Eugène Viollet-le-Duc, auquel on doit la fameuse flèche centrale qui s’est effondrée le 15 avril dernier. En exil à Guernesey, Victor Hugo ne pourra contempler « sa » dame de pierre qu’à son retour en France, en 1871.
Dans la préface accompagnant la première édition de son roman, le poète et écrivain avertissait déjà ses compatriotes de la fragilité du monument : « Sans doute c’est encore aujourd’hui un majestueux et sublime édifice, que l’église de Notre-Dame de Paris, mais si belle qu’elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, (…). Sur la face de cette vieille église, reine de nos cathédrales à côté d’une ride on trouve toujours une cicatrice ».
La défiscalisation des dons, une « fausse polémique » pour Bernard Arnault
Un siècle et demi après la mort de Victor Hugo, le roman dans lequel il narre les aventures de Quasimodo est en tête des ventes sur la plateforme Amazon et en rupture de stock chez de nombreux libraires. Une démonstration supplémentaire, s’il en fallait, de l’émotion suscitée bien au-delà des frontières françaises par l’incendie ayant ravagé la charpente de Notre-Dame, et de l’engouement planétaire pour sa reconstruction. Tombé dans le domaine public, l’ouvrage est proposé à la vente par nombre d’éditeurs, dont beaucoup, de Folio à Pocket, en passant par le Livre de Poche et Gallimard, se sont engagés à reverser leurs bénéfices pour subvenir au colossal chantier qui s’annonce.
Un élan de solidarité qui s’inscrit dans les pas des milliers de particuliers et d’entreprises de par le monde qui, spontanément, ont annoncé des promesses de dons. A ce titre, le PDG du numéro un mondial du luxe LVMH, Bernard Arnault, a personnellement tenu à éteindre la polémique née de la possible défiscalisation des dons promis par son groupe, qui s’élèvent à 200 millions d’euros : « la loi sur le mécénat ne s’applique pas à la société familiale, qui ne réalise pas de chiffre d’affaires, et pour le groupe LVMH, le plafond est atteint avec la Fondation Louis Vuitton », a-t-il ainsi déclaré lors de l’Assemblée générale du groupe.
Jugeant « assez consternant de voir qu’en France on se fait critiquer même quand on fait une œuvre d’intérêt général », Bernard Arnault a estimé qu’il s’agit d’une « fausse polémique ». « Je suis très clair, a-t-il encore ajouté, une partie de cette somme est donnée par la société familiale, qui n’a pas de chiffre d’affaires donc la loi en question (sur le mécénat) ne s’applique pas ». Même son de cloche de la part de la famille Pinault, propriétaire du numéro deux du luxe, Kering, qui après que l’ancien ministre de la culture et actuel directeur général de la collection Pinault, Jean-Jacques Aillagon, ait suggéré que les dons soient défiscalisés à hauteur de 90%, a elle aussi fait savoir qu’elle renonçait à de tels avantages.
A Guernesey, la maison d’exil de Victor Hugo rouvre ses portes
Ironie du calendrier, la maison de Hauteville House où s’est exilé Victor Hugo pendant vingt ans, sur l’île anglo-normande de Guernesey, vient de rouvrir ses portes au public. Fuyant le Second Empire et Louis-Napoléon Bonaparte, l’écrivain fait alors de cette demeure, qu’on disait hantée, une retraite à la fois gothique, romantique et rococo. On y découvre un Victor Hugo méconnu, à la fois décorateur et architecte fantasque, mêlant joyeusement panneaux d’inspiration chinoise, tentures scandinaves et faïences de Delft. Offerte en 1927 par les descendants de l’écrivain à la Ville de Paris, la maison a bénéficié d’importants travaux de restauration, en partie financés par la Fondation François Pinault. L’occasion de se replonger dans l’histoire et la vie du plus contemporain des auteurs classiques.