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A l’occasion de la vente événement des tenues Yves Saint Laurent portées par Catherine Deneuve, retour sur la « complicité silencieuse » qui uni, pendant quatre décennies, ces deux icônes de la culture française.
Ce sera l’évènement mode de l’hiver. Le 24 janvier 2019, l’actrice française Catherine Deneuve mettra en vente l’intégralité de sa collection de vêtements signés Yves Saint Laurent. En pleine semaine parisienne de la haute couture, près de trois-cent lots, souvent uniques, toujours iconiques, seront proposés aux fans de l’actrice comme aux admirateurs du couturier, décédé en 2008. Cent-cinquante d’entre eux seront mis aux enchères au sein des salons parisiens de la maison Christie’s, les autres pièces étant vendues ultérieurement sur Internet.
« Aujourd’hui, je me sépare de ma maison en Normandie où je gardais cette garde-robe, non sans mélancolie, a écrit Catherine Deneuve dans un message transmis par la maison de vente. Ce sont des créations d’un homme si talentueux, qui ne créait que pour rendre les femmes plus belles ». Que ce soit au cinéma, à l’occasion de ses apparitions publiques ou dans sa vie privée, Saint Laurent a habillé celle qui est devenue son amie intime et sa muse pendant des décennies. Retour sur une amitié à nulle autre pareille.
« Belle de jour », la consécration d’un duo iconique
C’est en 1965 que Catherine Deneuve rencontre pour la première fois Yves Saint Laurent. A 23 ans, la jeune actrice, qui découpe les photographies de ses modèles dans les magazines, n’est pas encore une vedette ; le couturier, quant à lui, est à 30 ans déjà une célébrité révérée dans le monde entier, depuis la création de la maison qui porte son nom en 1961. Avant d’être présentée à Londres à la reine d’Angleterre, Catherine Deneuve contacte Saint Laurent et lui demande la faveur de l’habiller pour cette royale occasion.
« Je suis arrivée rue Spontini avec la photo d’un modèle de la collection russe de l’année précédente, qu’il a accepté de me faire : un long fourreau de crêpe blanc, avec un plastron brodé rouge, très slave, très pur, très strict », se souvient l’actrice. La collaboration entre les deux stars se poursuit à l’occasion d’une soirée en l’honneur des « Demoiselles de Rochefort », réalisé en 1966 par Jacques Demy. Mais c’est la sortie, l’année suivante, de « Belle de jour », le chef d’oeuvre de Luis Bunuel, qui va propulser le duo sur le devant de la scène.
Si le tournage du film, dans lequel Deneuve incarne une bourgeoise parisienne fréquentant une « maison de rendez-vous » afin d’y réaliser ses fantasmes, se révèle « difficile », selon les propres mots de l’actrice, le succès est immédiat. « Belle de jour », acclamé par la critique, remporte le Lion d’or à la Mostra de Venise et lance définitivement la carrière de Catherine Deneuve. Un succès que l’on doit au génie de Bunuel, mais également au choix d’Yves Saint Laurent pour dessiner l’ensemble de la garde-robe portée par sa muse dans le film.
« Quand en 1967, (Saint Laurent) accepte d’habiller Catherine Deneuve pour Belle de jour, c’est de nouveau un acte de création inédit : il ne s’agit pas de choisir des vêtements dans un vestiaire préexistant mais d’adapter son style au style du film. De fait, défilant sous nos yeux stupéfaits, ce sont une dizaine de modèles originaux que Saint Laurent, lecteur attentif du scénario, a conçus pour servir le récit en l’augmentant », analyse Gérard Lefort dans les pages de Grazia du 4 septembre 2017.
« Détail qui n’en est pas un, poursuit Gérard Lefort : à cette époque où la minijupe faisait fureur, Saint Laurent avait au contraire pris soin que ces créations ne soient pas trop courtes (…). Tout simplement pour que le film et les costumes n’apparaissent pas un jour comme datés et démodés. De fait, à l’exception d’un porte-jarretelles antique, on ne voit guère de modèles qui ne trouveraient pas leur place dans la garde-robe d’une jeune femme moderne, tant l’épure des lignes et l’absence de tout les rendent aujourd’hui encore contemporains. Ce fut là le génie indiscutable et intempestif de Saint Laurent : une mode portable, sobre, élégante, pour des jolies filles de toujours ».
Quarante ans de « complicité silencieuse »
Pendant plus de quarante ans, Yves Saint Laurent a continué d’habiller Catherine Deneuve, que ce soit sur scène comme en ville. « La gravité perçante d’Yves Saint Laurent pendant les essayages et sa grâce timide dans la vie ont enchanté toutes ces années que nous avons traversées. Notre complicité silencieuse, nos fous rires et notre mélancolie nous ont réunis. J’avais 20 ans et j’ai donc eu le privilège d’accéder à ce luxe voluptueux, former mon oeil et mon goût à ses côtés », explique aujourd’hui la comédienne, qui se séparera de certains modèles emblématiques : la robe de soirée haute couture brodée de perles dans laquelle elle rencontra Alfred Hitchcock en 1969, celle, en mousseline de soie bleue, qu’elle portait pendant la cérémonie de clôture du Festival de Cannes en 1997, ou encore le modèle lurex doré qu’elle arborait aux Oscars en 2000.
« Cette vente, qui réunit la plus célèbre des actrices françaises et l’un des plus illustres couturiers français, sera un évènement », pronostique François de Ricqlès, président de Christie’s France, qui appartient, comme Saint Laurent, à la holding de la famille Pinault, Artemis. Selon lui, Catherine Deneuve « tourne une page. Ces vêtements ont été créés pour une icône Yves Saint Laurent ».