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A l’occasion des cent ans de la mort de César Ritz, décédé le 26 octobre 1918, plongée nostalgique en deux volets dans la légende d’un palace indissociable de l’histoire de Paris et du bon goût à la française.
Si l’est un hôtel dont le nom rime avec luxe à la française, c’est bien le mythique Ritz Paris. Sis au 15 place Vendôme, accolé à l’actuel ministère de la Justice et voisin des plus grands joaillers, l’hôtel cinq étoiles est toujours considéré comme l’un des plus beaux, grands et luxueux établissements hôteliers au monde. Certes, et en dépit des importants travaux de rénovation dont il a récemment bénéficié, la Distinction Palace échappe encore au Ritz ; mais cela n’empêche en rien le vénérable hôtel de figurer parmi les destinations les plus prestigieuses de la planète. Voyage dans le passé aussi glorieux que tourmenté – et le présent, toujours empli de promesses – d’un hôtel intemporel.
César Ritz, le roi des hôteliers et l’hôtelier des rois
L’histoire de l’hôtel est indissociable de celle de César Ritz, qui rachète l’hôtel dit de Gramont en 1897. Né en 1850 en Suisse, le jeune homme fait ses classes au sein des établissements les plus prestigieux de la Belle Epoque – à Paris, Nice, San Remo, Monte Carlo –, où il suit les migrations saisonnières de la haute société européenne. Au Voisin, le restaurant parisien le plus en vue de l’époque, il se fait remarquer par le Prince de Galles, Edouard VII, qui lui aurait dit : « Ritz, tu sais mieux que moi ce que j’apprécie. Arrange juste un souper accordé à mes goûts ».
Véritable précurseur, César Ritz aurait été le premier à déclarer que « le client a toujours raison » – ou plutôt : « le client n’a jamais tort ». Sa devise, « Tout voir sans regarder, tout entendre sans écouter, être attentif sans être servile, anticiper sans être présomptueux. Si un convive se plaint d’un plat ou du vin, le débarrasser et le remplacer immédiatement, sans poser de question », pourrait toujours s’appliquer aux standards des meilleurs hôtels contemporains.
Une inauguration qui fait date
Le Ritz ouvre ses portes le 1er juin 1898, donnant lieu à une fastueuse réception. Le jour J, c’est toute l’élite parisienne qui se presse à l’évènement. Mais également les riches Américains, des journalistes et des écrivains – dont un certain Marcel Proust, qui deviendra un habitué des lieux -, mais aussi le grand duc Michel de Russie, les Rothschild, l’Aga Khan ou encore les « people » de l’époque que sont Boni de Castellane ou la marquise de Breteuil. Le quotidien Le Figaro relate alors ce « véritable événement parisien » qu’est l’ouverture du palace : « L’hôtel Ritz est-il un hôtel à voyageurs ? N’est-ce pas plutôt la maison d’un grand seigneur, dans le quartier de Paris où il y a le plus de monde et le moins de bruit ? »
Et le journal de s’enthousiasmer pour la modernité de l’établissement, au confort « ultra-moderne ». En 1898, le Ritz est en effet le premier hôtel au monde à proposer à ses clients l’électricité et l’eau courante à tous les étages, des ascenseurs, ainsi que le téléphone et une salle de bain privative – avec baignoire – dans chacune de ses 159 chambres et suites. « C’est hier et demain enfermés sous le même toit, tous les souvenirs et tous les progrès associés pour le bien-être de l’homme », s’extasie le journaliste du Figaro. Associé au célébrissime chef Auguste Escoffier, inventeur de la cuisine française, César Ritz ravit ses convives. « Il est vrai qu’on y jouit d’un confort inconnu jusqu’ici dans les établissements où l’on mange en plein air, puisqu’entre la cuisine exquise et le service raffiné, on est à l’abri du bruit et de la poussière », selon l’édition du Figaro du 8 août 1899.
Une légende forgée par ses clients
Des atouts qui attirent la haute société, mais également des artistes et créateurs, comme Coco Chanel, qui y résidera pendant plus de trente ans avant d’y mourir – et qui donnera son nom à l’une des plus fastueuses suites de l’hôtel (à partir de 18 000 euros la nuit) –, Jean Cocteau, Colette ou Paul Morand. Plus tard, il accueillera des célébrités comme Charlie Chaplin, l’écrivain américain Ernest Hemingway, dont le nom reste encore aujourd’hui associé au célèbre bar à cocktails – et au non moins célèbre Bloody Mary, qu’un barman du Ritz aurait inventé à sa demande pour masquer l’odeur de l’alcool –, le philosophe français Jean-Paul Sartre ou encore le chanteur Elton John.
Réquisitionné par l’armée française lors de la Première Guerre mondiale, le Ritz est investi par le commandement de la Luftwaffe (les forces aériennes de l’Allemagne nazie) au cours du second conflit mondial, Hermann Göring s’attribuant d’autorité la suite impériale. Durant la guerre, l’hôtel reste ouvert, Coco Chanel se rendant régulièrement dans ses abris antiaériens, précédée, selon la légende, par un serviteur portant son masque à gaz sur un coussin de satin… Mais c’est une nouvelle fois Ernest Hemingway qui forge l’histoire de l’établissement quand, à la libération de Paris, il raconte avoir « libéré personnellement » le Ritz. Un épisode cocasse, relaté par l’écrivain Claude Roulet en ces termes : « Le vendredi 25 août 1944, Ernest Hemingway, alors correspondant de guerre, arrive en même temps que les troupes du général Leclerc. Il se présente armé d’une mitraillette à la porte de la rue Cambon, annonçant qu’il vient libérer l’hôtel. Le portier lui répond alors : ‘Bien sûr, monsieur Hemingway, mais veuillez laisser votre arme devant la porte’ ».
Au moment de la mort du fils de César Ritz, Charles, en 1976, l’hôtel vit sur sa réputation et n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut par le passé. Sa clientèle vieillit. En 1979, le Ritz est racheté par l’homme d’affaires égyptien Mohamed al-Fayed, qui entreprend une première campagne de rénovation entre 1980 et 1988. 250 millions de dollars sont investis, chaque chambre est restaurée à l’identique, et l’hôtel se dote d’une des plus belles piscines privées de la capitale française (17 mètres de longueur), d’un spa et d’une des meilleures écoles de cuisine du pays, toujours en activité. Le début d’une nouvelle ère pour le Ritz.