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Une fois de plus, les maisons de prêt-à-porter défilant à Paris ont rivalisé de créativité. Retour sur les moments forts de la première semaine de la mode parisienne postérieure à la mort de Karl Lagerfeld.
Deux semaines après la disparition du légendaire couturier Karl Lagerfeld, le défilé Chanel ne pouvait être qu’historique. Après ses trente-six ans de règne sur la planète mode, comment celle-ci allait-elle faire le deuil du « Kaiser » et passer le relai ? C’est par une longue et impressionnante minute de silence que, sous la désormais traditionnelle verrière du Grand Palais, a débuté le show posthume du maître ; comme un dernier hommage, tout en sobriété recueillie. Palpable, l’émotion emplissait l’immense édifice de pierre et de verre…
Pas question, pour autant, de céder à l’abattement, encore moins à toute forme de nostalgie déplacée. Comme lors de chaque défilé de la maison de la rue Cambon, c’est au sein d’un décor hors-norme, reproduction à l’identique d’une station de ski de haute montagne, avec ses chalets et sapins, que les mannequins ont, après s’être figées en l’honneur du mythe disparu, redonné vie au style Chanel, arborant tailleurs, tweed et chaudes doudounes – autant de signatures aussi intemporelles que perpétuellement réinventées par le grand Karl.
Alexander McQueen, le phoenix renaît de ses cendres
Autre grande figure disparue, Alexander McQueen fait toujours le buzz. Celui que la presse britannique surnommait le « hooligan de la mode » a, depuis sa mort tragique en 2010, à seulement 40 ans, été remplacé à la tête de la maison qu’il avait fondée par la très discrète Sarah Burton. « Pour cette saison, je suis rentrée à la maison, là où j’ai grandi dans le nord de l’Angleterre, entourée de villes industrielles et de paysages sauvages. J’ai emmené mon équipe dans ces usines (…). Le point de départ de cette collection est inspiré par ces rouleaux de tissus fabriqués par l’homme et la machine », explique au Figaro la directrice artistique de la maison, propriété du groupe de luxe Kering.
Le créateur anglais, que ses proches appellent toujours « Lee », fait d’ailleurs l’objet d’un documentaire consacré à sa vie, « McQueen », qui sortira au cinéma le 13 mars. Le film retrace l’histoire de l’enfant terrible de la mode londonienne, et revient sur sa fulgurante ascension, des faubourgs de la capitale anglaise aux ateliers de Givenchy. « Il poussait les mannequins à aller coller leur pubis sous le nez d’Anna Wintour, se remémore dans Point de Vue (6 mars 2019) son ami Detmar Blow. Il se comportait vraiment comme un sale gosse ». « Même au plus fort de sa carrière, il est toujours resté ce garçon sensible qui avait peur que les gens le ridiculisent », se souvient également Janet, la sœur du couturier.
Mode féministe
La démesure était aussi au rendez-vous du défilé Louis Vuitton, le décor de Beaubourg ayant été reconstitué à l’intérieur de la Cour carrée du Louvre. Un « musée dans le musée » imaginé par le créateur Nicolas Ghesquière, aux manettes de la locomotive commerciale du groupe LVMH depuis le départ de Marc Jacobs, en 2013. Avant l’édification de l’actuel musée Pompidou dans les années 1980, le quartier des Halles était, en effet, le cœur battant de la capitale et le rendez-vous incontournable de toute la faune artistique et créative parisienne : musiciens new wave, punks errants et autres stars de la couture comme Jean-Paul Gaultier ou Thierry Mugler. Une époque luxuriante, que le créateur a transposé sur les tenues multicolores des mannequins défilant sur fond de chansons des Rita Mitsouko.
Chez Loewe, autre écurie du groupe LVMH, le designer Jonathan Anderson a placé son défilé sous le signe du portrait élisabéthain : « cela m’a poussé à réfléchir à la manière dont nous nous regardons, à notre besoin de nous représenter. Ces portraits sont les selfies de leur temps, devenus multicentenaires. Je ne suis pas sûr que nos selfies actuels connaissent la même longévité », a glissé le créateur à cette occasion. Simon Porte Jacquemus a quant lui continué d’explorer le thème méditerranéen, proposant une vision très ensoleillée de l’hiver, où les couleurs dominent. Même parti-pris chez Saint Laurent, où sous le regard de son directeur artistique Anthony Vaccarello, la nuit, plus électrique que jamais, s’est parée de lumières fluo, enveloppant des Parisiennes toujours plus fatales, toujours plus féminines, toujours plus puissantes.
Puissantes et déterminées, les femmes Dior l’étaient aussi, à l’image d’une collection résolument engagée et féministe. En pleine vague post-Me Too, la styliste Maria Grazia Chiuri a apposé des slogans comme « Sisterhood is global » sur les t-shirts, une référence aux mantras de la poétesse féministe américaine Robin Morgan, « Sisterhood is powerful » ou « Sisterhood is forever ». Sur le podium, les « Teddy Girls », directement inspirées de leurs homologues masculins des années 1950, s’affichent en jean et blouson de cuir noir, assumant un style urbain en phase avec les revendications des femmes d’aujourd’hui. Ou quand le politique s’invite dans les défilés…