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Le mardi 13 mars, M. Emmanuel Macron invitait à un déjeuner informel les directeurs des plus grands musées parisiens. Il déclarait à cette occasion que la culture est un « avantage comparatif » dans la compétition mondiale. Selon lui, elle permettrait « d’avoir une influence au-delà de son rang économique et géopolitique ». La culture serait un des éléments d’une « nouvelle grammaire de l’influence internationale ».
À peine un mois auparavant, à l’occasion de la semaine des défilés de prêt-à-porter automne-hiver, le président français conviait déjà à un dîner à l’Élysée une centaine de créateurs de mode. Il entendait saluer ainsi une filière majeure pour la France, dont les industries (vêtements, maroquinerie, parfums, optique, horlogerie et joaillerie) représentent, selon l’IFM, un chiffre d’affaires annuel de 150 milliards d’euros et contribuent à hauteur de 36 milliards au PIB du pays.
Ces deux événements quasi concomitants montrent la prise en compte par M. Emmanuel Macron du caractère composite de la puissance. Dépendant traditionnellement de facteurs géographiques, démographiques et militaires, elle se fonde aussi sur l’économie et la culture. Napoléon ne disait-il pas déjà : « Il n’y a que deux puissances au monde, le sabre et l’esprit » ?
Le théoricien des relations internationales Joseph Nye a forgé le terme de soft power pour désigner la capacité d’un pays à séduire, à imposer ses idées et ses normes, à influencer les décisions. Dans le domaine culturel, pris au sens large, la France reste influente. Son soft power est réel. Un exemple suffit à l’illustrer : si plus de deux millions de touristes chinois viennent en France, notamment à Paris, et que les plus fortunés d’entre eux se pressent dans les boutiques des grandes marques de luxe telles que Chanel, Hermès, Dior ou Louis Vuitton, la clientèle européenne ne se rue pas en Chine pour acheter des vêtements ou des accessoires siglés La Nyu ou Ne Tiger. La vente (en 2017) par le groupe Richemont de la marque chinoise de vêtements de luxe Shanghai Tang (acquise en 2008) est un autre exemple de l’incapacité de la Chine à rayonner hors de ses frontières, du moins dans le domaine du luxe : le groupe suisse souhaitait diffuser les créations de Shanghai Tang dans le monde entier. En dépit de l’expertise et des moyens considérables du groupe Richemont, les clients occidentaux n’ont jamais adopté cette marque. Si le « Made in China » ne fait pas rêver, c’est que la Chine non plus. Au contraire, par exemple, du Japon, son grand rival asiatique.
Bien sûr, rien n’est irréversible, et il est possible qu’à moyen terme la Chine puisse remédier à ce déficit d’image. Aussi faut-il souhaiter qu’au-delà des symboles, dont M. Emmanuel Macron a montré qu’il avait la maîtrise, l’État français conçoive et mène une politique ambitieuse destinée à maintenir l’excellence française dans le domaine du luxe et de la culture.